> Sébastien Chabal «Je sais très bien que je suis un privilégié»
Thursday, 28 April 2011 22:18

Sébastien Chabal «Je sais très bien que je suis un privilégié»

L’essentiel: Écrire son autobiographie à 33 ans, ce n’est pas banal…

Sébastien Chabal: D’abord, je vous avoue que je suis content que le livre soit sorti. En janvier 2010, on m’a poussé des deux pieds pour le faire. J’y ai vite trouvé mon compte. Parce que c’est un livre qui me ressemble. Il est assez sincère… Alors, pourquoi l’avoir écrit maintenant? Parce que je ne voulais pas donner des leçons, seulement mettre des points sur les « i ». Ce n’est pas un bilan, plutôt le regard de Sébastien, 33 ans, sur ce qui est arrivé depuis ma naissance. Mais je tiens ce livre pour une autobiographie. C’est comme le musée Grévin, ça ne se refuse pas !

Pourquoi ?

Mais c’est une reconnaissance. Vous imaginez qu’au musée Grévin, avant moi, il n’y avait eu que deux rugbymen, un dans les années 1920, l’autre dans les années 1960… Et avec ce livre, j’ai simplement voulu que les gens se fassent une idée de ma vie à travers ce que je raconte le plus honnêtement possible.

Il y avait besoin aussi d’estomper, voire de gommer l’image de la « brute épaisse » que vous trainez dans le monde du rugby ?

Mais l’image de la «brute épaisse», elle s’est arrondie depuis quelque temps… Et il n’y a rien qui ne me dérange. Seulement des choses qui m’agacent… On vit dans un monde où le mélange des genres est monnaie courante .

Pourtant, Sébastien Chabal est, en permanence, sujet à polémique. La dernière en date, avant la sortie de votre livre, après vos déclarations sur l’arbitrage dans le Championnat de France…

Franchement, le livre n’a pas été fait pour la polémique! Si j’avais voulu lancer une polémique, j’aurais attendu plus tard. La fin du Championnat ou après la Coupe du monde en septembre et octobre prochains en Nouvelle-Zélande ou même quand j’aurai fini ma carrière de joueur… Et puis, je n’ai pas besoin de polémique : je n’ai de comptes à régler avec personne. Je suis un privilégié, et je le sais très bien.

N’empêche ! Dire que les arbitres du Championnat de France sont nuls, qu’ils vous rendent fou, c’est bien chercher la polémique, ça?

Je confirme tous mes propos qui sont dans le livre. Mais je suis agacé, en colère parce que l’interview qui a déclenché cette histoire a été rédigée par une personne qui a sorti des phrases de leur contexte. Dans le livre, je m’amuse avec les arbitres. Et c’est vrai que, quand je suis sur le terrain, ils me rendent fou parce que leurs décisions m’agacent. Mais c’est quand je suis pris dans le jeu, dans l’action- et je ne dis pas qu’ils sont nuls. Moi, je ne veux pas d’histoire, je donne mon opinion sur l’arbitrage- pourquoi n’en aurais-je pas le droit ? Mais si je donne mon opinion, c’est pour aider à ce que les arbitres soient encore plus performants, deviennent de plus en plus professionnels.

Vous risquez de payer cher, très cher ces mots. Vous êtes mis à pied par votre club jusqu’au 11 mai, vous êtes convoqué le lendemain par la Commission de discipline de la Ligue nationale de rugby…

Je suis dans l’incertitude la plus totale… J’ai connu un début d’année difficile. Avec des performances moyennes moins moins, c’est bien le moins que je puisse dire ! Mais j’ai bon espoir, je travaille. Prendre des claques dans la gueule, ça me rend plus fort, ça me fait avancer. Cette polémique, elle m’emmerde alors que physiquement, je vais magnifiquement bien !

Vous éprouvez des regrets ?

Des regrets, oui, et non pas des excuses… Je ne m’excuserai pas pour ce qui est dit dans le livre… Par contre, je regrette si ça a touché et atteint des gens, si ça a pu les blesser. Mais qu’on ne m’accuse pas d’avoir créé le buzz pour la sortie de Ma petite étoile. Franchement, si ça fait vendre dix exemplaires de plus, ça ne changera pas ma vie! Voilà, quand je lis le livre, je suis content. Je me dis même que j’aurais pu en mettre plus. Mais comme ça, il y a de la réserve pour une deuxième tome, on pourrait le titrer : Ma grosse comète ! J’avais envie de faire plaisir aux gens qui s’intéressent à moi. Qu’ils me connaissent un peu mieux à travers ce que je leur raconte et non pas à travers ce qu’on peut raconter sur moi…

Toutefois, vous vous laissez aller à quelques confidences très personnelles, relevant de l’intimité…

En commençant l’écriture, je ne me suis pas mis d’interdits. Et puis, ce que je raconte, ce ne sont pas des secrets de Polichinelle. C’est la vie de M. et Mme Tout-le-monde…

Vous jouez le modeste! Quand on est le sportif préféré des Français et le joueur de rugby français le mieux payé, on n’est pas M. Tout-le-monde…

Mais moi, j’ai une vie tranquille, discrète…

Vous n’êtes pas seulement un joueur de rugby, vous êtes également un personnage médiatique…

…et je ne comprends toujours pas cet engouement. J’essaie, chaque jour, de faire de mon mieux. Je ne suis pas un rugbyman, je ne suis pas né dans ce monde, j’y suis arrivé par hasard. Et avant, j’avais déjà eu une autre vie. À 17 ans, j’ai quitté l’école, je suis allé travailler en usine comme tourneur- fraiseur. Je voulais une place dans ce monde, rien de plus. Bien faire mon boulot, faire plaisir à mon patron qui me confiait un certain travail…

Aujourd’hui, vous ne craignez pas de dire que vous gagnez, comme joueur au Racing-Métro, 30 000 euros par mois. Peu de sportifs révèlent leur salaire…

Je n’ai pas honte de ce que je gagne. Et cet argent, je ne le vole pas! Ma vie est douce et belle. Je cours après un ballon toute la journée ; parfois, il me fait faux bond mais j’arrive à le rattraper! Je suis content de travailler tous les jours. Ainsi, j’ai des objectifs dans ma vie.


Lesquels ?

Progresser. Encore et toujours. Je sais quel joueur je suis et celui que je ne serai jamais. J’ai conscience aussi que je ne suis pas le meilleur joueur du monde. Mais on a toujours quelque chose à apprendre. Et besoin d’atteindre ses limites, ou au moins y arriver au plus près. C’est ce qui me fait avancer !

Ambition, c’est un mot qui a sa place dans le vocabulaire de Sébastien Chabal ?

Je n’ai aucune ambition ! J’ai toujours voulu avoir une place. Et dès que j’ai eu un métier, bien l’exercer. Fils d’ouvriers, j’aurais dû logiquement rester dans ce monde. Mais les hasards de la vie m’ont amené au rugby. Là, certaines personnes m’ont fait, m’ont poli. Et dire qu’enfant, je me voyais pompier. J’ai vite abandonné l’idée : je déteste voir du sang !

Propos recueillis par Serge Bressan

«Ma petite étoile» de Sébastien Chabal. Flammarion, 304 pages, 19,90 euros.

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Last modified on Tuesday, 30 November 1999 01:00
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