«On va passer d'un procès politique quasi-dramaturgique à un procès plus technique», estime Me Olivier Metzner, qui défendra l'ancien Premier ministre aux côtés de ses deux conseils historiques Luc Brossollet et Olivier D'Antin. La priorité, du 2 au 26 mai, sera, selon lui, de «répondre en défense à un acharnement du parquet».
Que sont-ils devenus? A l'automne 2009, ils étaient cinq prévenus et 45 parties civiles à s'affronter devant le tribunal correctionnel de Paris. Les prévenus:- Dominique de Villepin: relaxé en première instance, il sera rejugé car le parquet a fait appel. Fondateur du mouvement République solidaire, l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac a annoncé son divorce d'avec l'UMP. Il envisage de faire campagne pour la présidentielle. Ennemi juré de Nicolas Sarkozy, il a récemment renoué le contact avec le président après trois ans de froidure. - Jean-Louis Gergorin: condamné à 15 mois de prison ferme et 40 000 euros d'amende, l'ancien numéro trois d'EADS a été licencié par le géant aéronautique. Il s'est installé à son compte comme consultant en stratégie industrielle et continue à donner des conférences à Sciences Po. Sonné par sa condamnation, il a fait appel. - Imad Lahoud: condamné à 18 mois ferme et 40 000 euros d'amende, l'ancien salarié d'EADS a passé son agrégation de mathématiques. Il enseigne cette discipline au Lycée Condorcet à Paris. Il a fait appel. - Denis Robert et Florian Bourges: le premier a été relaxé, en vertu de la protection dont doivent bénéficier les journalistes. Poursuivi en diffamation par Clearstream, il a été blanchi récemment par la Cour de cassation. Il sort un ouvrage le 6 mai reprenant ses trois enquêtes sur Clearstream. Florian Bourges a été condamné à quatre mois avec sursis pour abus de confiance. Il n'a pas fait appel. Les parties civiles:
- Sur les 45 parties civiles en première instance, une petite vingtaine ont fait appel. La plus connue des parties civiles, Nicolas Sarkozy, n'a pas fait appel. Les témoins:
- Ils devraient être moins nombreux en appel. Neuf sont annoncés, dont le général Philippe Rondot et l'ancien directeur de la DST, Pierre de Bousquet de Florian, cités par le parquet général.
Au lendemain de la relaxe de Dominique de Villepin, le 28 janvier 2010, le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, avait fait appel contre lui. Dans ce dossier, on reproche à Dominique de Villepin, ainsi qu'au mathématicien Imad Lahoud et à l'ancien responsable d'EADS Jean-Louis Gergorin, d'avoir falsifié des listings bancaires émanant de la chambre de compensation luxembourgeoise Clearstream, afin de faire croire que plusieurs personnalités, dont Nicolas Sarkozy, détenaient des comptes occultes à l'étranger. L'affaire avait éclaté au grand jour à l'été 2004, mais ce n'est qu'en janvier 2006, alors que l'instruction piétinait, que Nicolas Sarkozy s'était constitué partie civile.
«Sarkozy a faussé la donne»
L'enquête avait alors été menée à grands renforts de moyens par les juges Henri Pons et Jean-Marie d'Huy. Convaincus que Dominique de Villepin était l'instigateur du complot, ils l'avaient renvoyé en correctionnelle fin 2008 pour répondre notamment de «complicité de dénonciation calomnieuse». «Au vu des moyens déployés, cette affaire a pris des proportions grotesques», regrette l'un des avocats du dossier, Me Hervé Temime, rappelant que ce complot ridicule est quasiment à l'origine du déclin du Pôle financier du tribunal de Paris, créé en 1999 pour assainir la vie économique et politique française.
«Au premier procès, tout le monde était tétanisé par la présence d'une partie civile: Nicolas Sarkozy. Il a faussé toute la donne», renchérit le conseil d'Imad Lahoud, Me Olivier Pardo. «Là au moins, c'est une justice apaisée qui va examiner ce dossier d'un point de vue technique». Le jour du délibéré, le chef de l'Etat avait annoncé qu'il ne ferait pas appel. Par ailleurs, en février, soit trois ans après leur dernière rencontre, il a renoué le contact avec Dominique de Villepin, à l'occasion d'un petit déjeuner. Le procès devrait donc être «plus serein, moins passionnel», espère Me Temime qui, après avoir défendu le journaliste Denis Robert, relaxé, rejoindra la défense de Jean-Louis Gergorin, aux côtés de Mes Paul-Albert Iweins et Thierry Dalmasso.
Le grand bal des menteurs
Si l'enjeu politique est déterminant pour celui dont l'ambition
présidentielle est un secret de polichinelle, ce procès est aussi décisif pour les deux autres prévenus: Jean-Louis Gergorin et Imad Lahoud. Jugés responsables de la fraude en première instance, -le premier serait le cerveau, le second le faussaire-, ils ont écopé de respectivement 15 et 18 mois de prison ferme. Pour s'en sortir, Imad Lahoud risque fort de charger ses co-prévenus.
Celui que le tribunal dépeint comme «un menteur invétéré» a d'ailleurs commencé dans un documentaire diffusé sur Canal+, «Le Grand bal des menteurs», où il affirme que Dominique de Villepin lui aurait avoué être «derrière» toute la machination.
Mais quand l'homme aux mille versions dit-il vrai? «Il s'en expliquera à l'audience», assure son conseil. «Parfois, il faut beaucoup de mensonges pour arriver à la vérité.»
(L'essentiel Online/AFP)
Authors: