Manèges, glaces et frites à volonté donnent des airs de fête foraine à l'ancienne centrale, située à quelques kilomètres des Pays-Bas, qui devait être à l'origine un fleuron technologique. A Kalkar, rien ne se perd, tout se transforme. Même l'imposante tour de refroidissement a trouvé son utilité: recouverte d'une fresque de paysage alpestre, sa paroi en béton sert de mur d'escalade.
En sortant du nucléaire, l'Allemagne montre-t-elle la voie aux autres? Les producteurs d'électricité nuléaireLes bâtiments des turbines et du réacteur contiennent des chambres d'hôtel, des restaurants et des bars, dans des décors évoquant l'Egypte antique ou l'Ouest américain. Repas et boissons sont à volonté, y compris l'alcool, selon des formules forfaitaires. "Nous n'avons réaménagé qu'un tiers des bâtiments à ce jour", déclare Han Groot Obbink, le directeur du parc. Une piscine intérieure, un spa, des boutiques et un village bavarois sont prévus dans les années à venir, pour attirer plus de monde en hiver.
Une centrale jamais mise en marche
Pour rassurer certains visiteurs méfiants, "nous précisons systématiquement dans nos brochures que nous n'avons rien à voir avec le nucléaire. La centrale n'a d'ailleurs jamais fonctionné", insiste le directeur néerlandais. Bien avant que le gouvernement allemand décide de fermer définitivement ses centrales nucléaires d'ici 2022, celle de Kalkar était mort-née.
Dans les années 1970, l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas avaient décidé de bâtir à Kalkar une centrale nucléaire d'un genre nouveau, un "surgénérateur", qui devait produire plus de combustible fissile qu'il n'en consommait grâce à un réacteur à neutrons rapides (RNR). Mais le projet avait aussitôt soulevé de vives craintes. "Le sodium, utilisé pour refroidir les neutrons rapides, est inflammable au contact de l'air et de l'eau", rappelle Willibald Kunisch, un ancien opposant à la centrale et aujourd'hui représentant des Verts au conseil municipal de Kalkar.
Il se souvient des grandes manifestations de 1977 et de 1982 à Kalkar, qui avaient réuni des dizaines de milliers de manifestants et contribué à l'essor du parti Vert. Des exigences de sécurité constamment modifiées, des procès en série, les catastrophes nucléaires de Three Mile Island aux Etats-Unis et de Tchernobyl en Ukraine, ou encore le contre-choc pétrolier de 1986 ont lentement creusé la tombe du surgénérateur, dont le coût ne cessait d'enfler. Le projet est définitivement enterré en 1991, après avoir englouti quelque 7 milliards de Deutschemarks, environ 3,5 milliards d'euros.
Revendue à un entrepreneur
Un entrepreneur néerlandais, Hennie van der Most, spécialiste de la reconversion de friches industrielles, rachète quatre ans plus tard le site et ses environs, soit une cinquantaine d'hectares, pour quelque 3 millions de marks (1,5 million d'euro). Aujourd'hui "Wunderland Kalkar" accueille 600 000 visiteurs par an et emploie jusqu'à 550 personnes en haute saison, selon M. Groot Obbink. M. Kunisch regrette que d'autres projets de réhabilitation du site n'aient pas été retenus. "Certains proposaient d'en faire un centre d'énergies renouvelables, mais les temps n'étaient pas encore mûrs pour cela. A l'époque c'était nous, les écologistes, qui passions pour des fous".
En France les surgénérateurs Phénix et Superphénix ont aussi été abandonnés. Mais la recherche mondiale se poursuit sur le nucléaire de quatrième génération, vanté par ses promoteurs pour sa meilleure utilisation de l'uranium et le recyclage durable du combustible.
L'attraction phare de Kalkar, dans la turbine:
(L'essentiel Online/AFP)
Authors: