> Zep parle de «Titeuf, le film» «Les gens n'ont pas envie d'un Titeuf light»
Mardi, 05 Avril 2011 17:13

Zep parle de «Titeuf, le film» «Les gens n'ont pas envie d'un Titeuf light»

J’ai vu le film en 2D…

Zep: Pauvre de vous!

J'ai raté quoi?

Ben, une expérience inoubliable (rire!)

La 3D, c'était un désir depuis le départ?

Non, ce n'était pas prévu. C'était une proposition de la production parce qu'aujourd'hui un film n'a pas la même durée de vie en 2D qu'en 3D. C'était la première fois qu'on le testait sur un film dessiné à plat. Le résultat est super-bon. J'adore, ça donne un côté pop-up très doux, très papier découpé. Ça ne change rien à l'histoire, vous n’avez pas loupé quelque chose…

Au moment de l'écriture, vous ne vous êtes pas dit «Là, je vais faire un effet spécialement 3D»…

La 3D est arrivée alors qu’on finissait déjà l'animation, c'était déjà en boîte depuis longtemps. Je trouve que ça rend vraiment hommage aux décors, les couleurs sont plus belles, on voit des choses qu'on ne voit pas dans la BD.

Il y a plus d'émotion dans le film que dans la BD. Vous en étiez conscient?

Au cinéma on a davantage de place pour l'émotion. Dans la bande dessinée, c'est le gag qui domine, donc on va vite. Tandis que dans le film, on a le droit, on a même le devoir, puisque le spectateur est prisonnier dans son siège, de décider du temps des émotions. C’est quelque chose qui m'a motivé à faire le film. Ça m'intéressait parce que je ne pouvais pas le faire en bande dessinée.

Quels autres aspects vous ont-ils particulièrement motivé?

Le fait de travailler sur le son, pouvoir faire des gags de son. Ou par exemple quand Nadia passe sa main sur l'oreille de Titeuf, ça c'est vraiment galère en BD.

La séquence avec Johnny, c’est une action Optic 2000 de Johnny en faveur de Zep ou une action de Zep pour remettre Johnny sur les rails…

C'est un bonhomme qui est porteur de quelque chose. Il a traversé plein d'époques. Il est toujours là. Donc ce mec qui dit à Titeuf "Écoute, petit, la vie…", il n'a même pas besoin de le jouer. C'est son répertoire, son fond de commerce. Quand j'ai écrit cette séquence, j'ai dessiné le personnage avec ses traits, j'ai écrit la chanson, et je la lui ai envoyée. Et il a dit OK. Quand il est venu, il pensait juste chanter la chanson!

Vous auriez coupé la séquence s'il avait refusé?

Oui. C'est la seule personne qui pouvait le faire.

Sur une production aussi longue, comment fait-on pour garder la fraîcheur, le contrôle?

Garder le contrôle, c'est un impératif. Il n'y a que le réalisateur qui a une vision globale du film. Garder la fraîcheur, c’est autre chose, mais on n'a pas tellement le loisir de se poser la question! Il ya tout le temps de nouveaux problèmes qui arrivent, des solutions à trouver. C'est assez stimulant, en fait. Ça n'a pas un côté routinier. On bosse deux ans, mais deux ans à faire dix métiers différents. Moi, j'ai écrit de la musique, dirigé des comédiens qui faisaient les voix, fait prof de dessin, metteur en scène, coach pour expliquer comment Titeuf devait bouger, j'ai fait des centaines de dessins… J'ai fait le médiateur pour les problèmes d'équipes qui s'engueulent. C'est plus varié qu’auteur de BD!

Vous aviez prévu dès le début de mettre des dinosaures?

Oui! Tous les dessinateurs adorent dessiner des dinosaures. Et les monstres. Et les filles. Je me rappelle que la seule fois de ma vie où j'ai rencontré Franquin, je lui ai amené des albums de «Calvin & Hobbes». Il ne connaissait pas et le seul truc qu'il a dit c'est : «Waow, comme il dessine les dinosaures!». J'avais envie de faire ma séquence «Jurassic Park», et je trouvais rigolo de commencer le film avec les gens dans la salle qui se disent: «On s'est trompé de salle».

Comment gère-t-on le fait de présenter quelque chose à des fans et à des gens qui a priori ne connaissent rien de Titeuf?

J'ai écrit un peu de la même manière que j'écris les albums, je n'ai pas trop réfléchi à ça. Cette intro préhistorique, c'était une manière pour moi de vite mettre en place les personnages, les rapports de Titeuf, Nadia, sa maman, sans avoir besoin de refaire ce que les lecteurs connaissent déjà.

Vous avez fait un casting parmi vos personnages secondaires pour savoir lesquels vous alliez faire apparaître ou non?

Il y a quelqu'un de la production qui a listé tous les personnages qui apparaissent dans les albums. On a retenu les figurants en fonction de leur disparité graphique pour que ce soit un peu riche.

Titeuf est-il écrit pour les petits garçons qui cherchent le sens de la vie tout en jetant un regard sur les adultes, les parents, ou est-ce un mode d'emploi des garçons à l'usage des filles?

Titeuf a un très fort public féminin. Et beaucoup d'adultes aussi le lisent. Moi, je ne comprends rien à ces histoires de public-cible. Ça m'emmerde. Depuis le début, Titeuf n'a pas de public-cible. Les gens aiment bien ce personnage, voilà.

Mais vous êtes surpris de la manière dont un public tout d'un coup s'intéresse à Titeuf?

Les enfants, ça m'a surpris. Je n’avais pas du tout imaginé un public d'enfants. Quand j'ai créé Titeuf, pour moi c'était une bande dessinée pour les adultes. J'avais 25 ans et je pensais que ce serait des gens de 25 ans qui aimeraient retrouver ce lien à leur enfance. J'ai fait un album, un deuxième, et pendant que je faisais le troisième je me suis retrouvé en dédicace et il y avait plein de gamins qui arrivaient, qui connaissaient toutes les histoires par cœur. «Titeuf c'est notre copain! On aime bien Titeuf parce qu'il nous prend pas pour des cons»…. Génial! Personne ne s’est dit qu’il fallait faire attention à ce qui est écrit parce qu’il y a des enfants qui vont le lire. Si ça marche comme ça, on me fiche une paix royale pour écrire.

Même quand on me dit que le public cible c'est les 8-12 ans, je trouve ça con, parce que 8 et 12 ans, c'est super-différent, c'est deux mondes. Et même à 8 ans il y a des disparités énormes entre les enfants. Sur les albums, ils aiment des histoires très différentes. Et dans le film, pour moi, il n'y a pas les scènes pour les adultes et les scènes pour les enfants. Il y en a qui vont vraiment se prendre au jeu sur cette histoire des parents qui va les toucher de près ou de loin, d'autres pas du tout.
Tout le monde peut prendre des choses partout dans un scénario, que ce soit «Titeuf» ou autre chose. Enfant, j'ai vu plein de films avec mes parents, qui passaient à la télé et qui n'étaient pas des films pour les enfants. J'y ai trouvé plein de trucs qui m'ont enthousiasmé.

Vous en avez un en tête?

Par exemple «Les seins de glace», vous savez, ce film avec Mireille Darc. Incroyable! J'ai vu ça quand je devais avoir 8 ans. Ça m'a marqué. Je ne pensais même pas qu'on pouvait montrer ce genre d'érotisme, mais très soft. Et qui dit une beauté aussi, qui n'est pas horrible. Je ne trouve pas horrible pour un enfant de voir ça, au contraire. Il y avait un côté assez marrant avec tous ces mecs qui sont prêts à faire n'importe quoi pour cette fille.. Après, la censure… Effectivement, je n'aurais pas aimé voir «Le silence des agneaux» à 8 ans. C'est normal qu'il y ait des avertissements. Par-contre quand la censure dit: «Je pense que les enfants ne comprendront pas, donc il faut…», je trouve ça un peu bizarre.

Y a-t-il des séquences que vous n’avez pas mises parce qu’elles étaient trop «hard»?

Non. Il y a eu des discussions sur la longueur du film, c'était trop long par rapport au temps qu'on avait pour l'animation. Chaque seconde d'animation se calcule en semaines de travail. On a dû baisser de 1h30 à 1h20, c'était horrible! Mais il n'y a pas eu de censure. Même des trucs qui étaient un peu crus, mais c'est l'univers de Titeuf, donc ça a lieu d'être, je trouve. Sandrine qui se fait payer pour montrer ses seins, personne ne m'a dit non, il ne faut pas faire ça. J'ai bénéficié du fait que les personnages existent déjà. Les gens qui vont le voir n'ont pas envie qu'on leur fasse un Titeuf light, sinon ils seraient super déçus.

L'essentiel Online avec Fred Ferrari

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Last modified on Mardi, 30 Novembre 1999 01:00
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