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Monday, 01 November 2010 11:19

The Social Network n’est pas un film sur Facebook

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« Lui il ne va pas ouvrir la porte, il bouffe du code ».

Attention : si vous n’avez pas vu le film et que vous avez l’intention d’y aller, cet article – sans être un spoiler -  révèle peut-être des informations que vous ne souhaitez pas connaître. Dans ce cas évitez de le lire.

Hier je suis allé voir The Social Network, le film de David Fincher sur la genèse de Facebook, adapté du bouquin de Ben Mezrich, « The Accidental Billionaires: The Founding of Facebook, A Tale of Sex, Money, Genius, and Betrayal » traduit en français par « The social network : la revanche d’un solitaire – La véritable histoire du fondateur de Facebook ».

The Social Network n’est pas un film sur Facebook

Et j’ai été plus qu’agréablement surpris : j’ai adoré. Il faut dire que le film a reçu de bonnes critiques, autant de la part de la presse, spécialisée ou non, que – et c’est plus rare – des communautés internet, puisque je n’en lis jusqu’à présent que du bien sur Twitter, Facebook, les blogs et les forums (mais je n’ai sûrement pas tout vu).

J’ai aimé The Social Network parce-que, outre ses qualités cinématographiques, sa narration, la beauté de la photographie (les plans en tilt-shifting de la course d’aviron et la course elle-même confirment le statut de virtuose de la caméra de David Fincher) et le montage à l’adrénaline façon thriller, ce n’est pas un film sur Facebook. Ou, plus exactement, ce n’est pas qu’un film sur Facebook. C’est un film sur l’ambition, la trahison, la vengeance, l’élitisme. Mais c’est surtout un film sur une frustration et sur la meilleure façon de chopper des filles, confirmant mon sentiment de longue date sur le fait que Facebook est avant tout un site de drague. Ce qui a contribué à son succès interplanétaire, même s’il est évidemment devenu bien plus que cela depuis. Ou pas.

The Social network est un film sur l’Amérique

Les start-ups ne sont pas une exclusivité américaine. Mais elles en sont une invention. Et cette histoire, même romancée, même si elle prend probablement quelques libertés avec la réalité, est une histoire éminemment et typiquement américaine. Ou à tout le moins, « américaniste ». Dans laquelle on saisit à quel point les grandes universités américaines sont à la fois des mondes clos d’un ultra-élitisme assumé en même temps que des passerelles en prise directe avec la « vraie vie », celle du business, où la réussite se compte exclusivement en billets d’un million de dollar. Aux débuts de Facebook, Zuckerberg est un jeune nerd d’à peine vingt ans, idéaliste et à moitié autiste, mais l’ADN de la conquête du monde coule déjà dans ses veines.

The Social network est un film sur l’université américaine

Le système des fraternités, typique des universités US et assez exotique à nos yeux d’européens, est aussi celui des castes et de la compétition exacerbée. Le film en est la démonstration. La scène où Zuckerberg est reçu dans le garage à vélo du club des frères Winklevoss parce-qu’il ne fait pas partie de la fraternité à laquelle ils appartiennent, en est le point d’orgue. Et certainement aussi le point de départ de la frustration et de la rage de Zuckerberg à leur montrer qui c’est Raoul. Comme tout bon scénario américain, celui de The Social Network est aussi bâti sur une frustration et une vengeance, celle du petit moche mais malin contre les grands costauds beaux gosses riches mais un peu niais. Devinez qui gagne à la fin ? I am CEO, bitch.

The Social Network n’est pas un film sur Facebook

The Social network est un film sur un paradoxe

Alors que son site, Facemash, devenu « The Facebook », engrange déjà les membres par brouettes entières et que le trafic monte en flèche, Zuckerberg refuse de le monétiser, car la publicité « ce n’est pas cool ». Il s’en fout, il a le temps, et juste besoin de quelques milliers de dollars pour faire tourner ses serveurs Apache, alors que son pote Eduardo le tanne pour aller chercher les premiers annonceurs avec les dents. C’est le paradoxe de Zuckerberg, bien loin du cynisme qu’on prête à Facebook aujourd’hui : il veut la renommée et le pouvoir, mais pas le fric. Pas tout de suite en tout cas. C’est sa rédemption à lui : redorer son image d’enfoiré misogyne en offrant aux filles un réseau pour elles.

The Social network est un film sur les relations père-fils

Même si c’est en filigrane, la relation père-fils sous-tend le scénario du début à la fin. On sent la pression paternelle sur la soif de réussite des jumeaux Winklevoss, dont le moteur semble être ce désir de prouver à leur père, un nabab milliardaire qui a réussi dans l’industrie, qu’ils peuvent faire au moins aussi bien que lui. Ombre du père aussi sur les épaules d’Eduardo Saverin, le co-fondateur de Facebook et ami de Zuckerberg, qui au moment le plus pathétique du film, celui de la trahison, a ce mot terrible : « Même mon père ne voudra plus me parler ». Être un fils-à-papa dans l’Amérique des grandes écoles c’est aussi accepter ce système patriarcal parfois étouffant et extrêmement dur.

The Social network est un film sur l’influence d’un gourou

Ce fut pour moi la découverte « historique » du film car j’ignorais totalement cet aspect fondamental et même fondateur de l’histoire de Facebook : Sean Parker, le créateur de Napster, interprété ici par Justin Timberlake, a participé activement au développement de Facebook, dont il est encore actionnaire à hauteur de 7%. Mais c’est surtout sa personnalité et son rôle dans le film qui surprennent. Le type est dépeint comme un arriviste assoiffé de réussite et de fric, « le premier million de dollar c’est pas cool, ce qui est cool c’est le premier milliard », un gourou qui manipule un Zuckerberg fasciné au point de le conduire à trahir son seul vrai ami. Bref, dans le film, Parker est l’enculé de service. Il fallait un méchant (n’oublions pas que nous sommes à Hollywood quand même) : c’est lui.

The Social network est un film de procès

Même si le fil conducteur du film est une conciliation, même si celle-ci prend place dans les bureaux impersonnels de ce que l’on imagine être une firme d’avocats et non pas dans un prétoire, The Social Network est un film de procès, avec les codes habituels du genre : joutes verbales cisélées, bluff, flash-back qui bousculent la chronologie, petites phrases assassines et mise à nu des belligérants typiques du courtroom drama bien ficelé.

The Social Network n’est pas un film sur Facebook

The Social network est un film sur la monétisation du web

C’est un sujet central dans le film, et celui-ci n’est pas en filigrane : dès que le réseau de Zuckerberg engranges ses premiers milliers de visiteurs, se pose la question de sa monétisation, a priori par la publicité. Ou plutôt, Eduardo, bombardé DAF, pose la question, à laquelle Zuck ne veut rien entendre (voir plus haut). Arrive alors Sean Parker tel le loup dans la bergerie, et c’est l’irruption d’une nouvelle thèse, qui causera la perte du bon Eduardo : pas de publicité mais des contacts avec des investisseurs pour lever des fonds et financer la croissance. Un sujet bien traité, et encore chaud bouillant aujourd’hui, qui montre l’affrontement à couteaux tirés entre deux écoles : celle qui consiste à aller tirer la sonnette des annonceurs et l’autre, peut-être plus ambitieuse mais aussi plus risquée, qui privilégie l’entrée de business angels au capital de la boîte, quitte à le diluer et à en perdre le contrôle…

The Social network est un film… sur internet

Internet est partout, mais paradoxalement, pas tellement au cinéma, où il est vaguement représenté par un gros plan sur une recherche Google ou quelques clichés sur les blogueurs ou autres geeks qui ont rarement le beau rôle. Ici, avant Zuckerberg, avant Facebook, je me demande si la vraie star du film n’est pas le web. On le voit peu, mais il est omniprésent, des lignes de code tapées frénétiquement par Zuck et ses copains de chambrée à l’installation « obligée » à San Francisco, Mecque du web, juste avant que le site n’atteigne son premier million de membres.

The Social network est l’un des meilleurs hommages que le septième art ait rendu à ce jour au web. Parce-qu’il est crédible et parce-qu’il démontre qu’avec un simple ordinateur et un peu de génie tout est encore possible.

The Social network est un film qui donne envie de bouffer du code.

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Article original écrit par Eric et publié sur Presse-Citron, le 01/11/2010. | Lien direct vers cet article | © Presse-citron.net - 2010
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Authors: Eric

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