Deux pas après être entré dans le pavillon italien de la Biennale de Venise, ouvert depuis samedi, installé sur le bord du bassin de l'Arsenal, le visiteur se retrouve nez à nez avec un tableau du Christ en croix. Un sujet somme toute classique, à un détail près: Jésus porte un slip signé Dolce&Gabbana, le couple de célèbres couturiers italiens. L'auteur de ce tableau, Giuseppe Veneziano, avait déjà fait parler de lui lors de la présentation de sa «Vierge du IIIème Reich», qui représentait une Madone avec un petit Hitler en uniforme Nazi dans les bras.
Quelques mètres plus loin, une autre œuvre iconoclaste: une composition de tableaux intitulée «The last crisis of this crazy crazy world» («La dernière crise de ce monde vraiment fou») fait figurer dans une même série les portraits de Barack Obama, Oussama Ben Laden et Mouammar Kadhafi. Le caractère insolite de cette juxtaposition, voulue par l'artiste Felipe Cardena, est encore renforcé par le style très Bollywood des peintures aux couleurs flamboyantes: les tableaux sont présentés ironiquement autour d'une représentation de Ganesh, le dieu hindou de la sagesse.
«L'art est devenu un hôpital auquel seuls les médecins et les proches des malades ont accès»
Dans le jardin du pavillon, autre provocation sous la forme d'une performance: installés chacun sur un trône de plastique, un homme et une femme complètement nus se font toucher par le public, incité en ce sens par une inscription sur les trônes: «Touche, touche, touche!» Et ce ne sont là que quelques exemples: le pavillon italien semble s'être ingénié à se concentrer sur la provocation, même si parfois la qualité des oeuvres n'est pas au rendez-vous. Un parti pris sans doute dû à la personnalité volcanique du commissaire de l'exposition, l'historien et critique d'art Vittorio Sgarbi.
Personnage très médiatique, connu en Italie pour ses excès de langage et ses colères homériques (il donna une claque à la députée Alessandra Mussolini en direct à la télévision), il est aussi un soutien de Silvio Berlusconi, dont un portrait est exposé dans le pavillon. Pour lui, «l'art est devenu un hôpital auquel seuls les médecins (les critiques d'art) et les proches des malades (les artistes) ont accès». Le monde de l'art est devenu «un grand sanatorium coupé du monde qui n'est visité que par hasard par les gens sains d'esprit», s'emporte-t-il dans sa présentation du pavillon italien, intitulée pompeusement «L'état de l'art à 150 ans de l'Unité italienne», célébrée cette année.
Pour sortir de la dictature des «critiques-commissaires-infirmiers», «j'ai donc demandé à quelques personnes (ndlr: 150) que j'admire de me signaler l'artiste, le peintre, le photographe, le céramiste, le designer, le vidéaste qu'ils considéraient comme le plus intéressant en ce début de millénaire», explique-t-il. Le résultat: un empilement d'œuvres, certaines intéressantes, d'autres moins, mais bien évidemment sans aucun fil conducteur qui puisse donner une cohérence ou une grille de lecture à l'ensemble. Dans ce capharnaüm, le public doit côtoyer le pire et le meilleur.
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