Il était une fois…
Une marque
Home Plus, une chaîne de supermarchés détenue à 94% par le géant de la distribution britannique Tesco. A l’origine basée en Grande Bretagne, l’enseigne s’était exportée en Corée du Sud à la fin des années 90. Elle y détient à ce jour 113 magasins.
Un objectif
Tesco avait dépassé le stade de l’implantation sur un marché étranger, Home Plus étant positionné comme le deuxième plus grand distributeur en Corée du Sud. De plus gros poissons avaient moins bien vécu leur exportation: en 2006, Walmart et Carrefour s’étaient tous deux inclinés face aux enseignes nationales et retirés du marché sud-coréen (perdant au passage de coquettes sommes d’argent).
Un but pour le moins précis, donc : accéder au leadership et dépasser son concurrent, E-Mart. Le distributeur exclut d’emblée la multiplication des points de ventes, solution trop coûteuse.
Des observations
Tesco commence alors à réfléchir à une campagne qui lui permettrait de devenir leader en Corée du Sud. Plusieurs particularités nationales retiennent l’attention des équipes marketing:
- La forte culture technophile : 93% de la population sud-coréenne possède Internet, et le pays compte également l’un des plus fort taux d’équipement en téléphones mobiles (94%) et plus spécifiquement en smartphones (30%).
- La pratique courante du e-commerce : près de 70% des sud-coréens déclarent acheter en ligne. Cet engouement est facilité par des pratiques de livraison à domicile très rapides et peu onéreuses.
- Des consommateurs très occupés : le temps de travail, très élevé par rapport aux autres pays de l’OCDE (en moyenne 60h par semaine), laisse peu de temps aux sud-coréens pour effectuer leurs courses « physiques », surtout dans la capitale.
Une idée
L’enjeu est donc de capter des consommateurs peu disponibles (mais habitués à l’usage des smartphones et du commerce en ligne) grâce à un dispositif plus original qu’une plateforme d’e-commerce et moins coûteux que l’ouverture de magasins physiques. L’idée retenue est alors la suivante: proposer un mode de distribution à mi-chemin entre un magasin physique et un magasin en ligne, qui permettrait d’amener l’occasion d’achat directement à l’endroit où ils se trouvent les consommateurs. Ou, comme disent nos amis anglo-saxons, « to fish where the fishes are ».
Une campagne
Ainsi, fin 2010, Tesco met en place, en partenariat avec l’agence Cheil Worldwide, un supermarché virtuel en dans plusieurs stations de métro de Séoul. Près de 500 produits de grande consommation, chacun identifiés par un QR code, se côtoient dans des linéaires très semblables à ceux d’un point de vente classique. Les usagers, entre deux rames, peuvent donc réaliser tranquillement leurs emplettes: il leur suffit, une fois l’application dédiée installée sur leur smartphone, de scanner le flash code des produits qu’ils souhaitent acheter. Une fois la commande passée, les produits sont livrés à domicile le jour même. La campagne dure un mois.
Des résultats
Pendant la campagne:
- 600 000 applications téléchargées.
- 10 000 visites de mobinautes sur le site web de Home Plus.
Après la campagne:
- Un prix au prestigieux Festival International de la Créativité de Cannes Lions.
- Une augmentation des ventes en ligne de 130% et une augmentation du nombre de clients e-commerce de 76% en 3 mois.
- Même si Home Plus conserve sa deuxième place dans en distribution classique, il passe leader sur la distribution en ligne.
L’opération a rencontré un tel succès que Tesco a d’ailleurs décidé d’installer une boutique virtuelle permanente dans le métro de Séoul, qui n’occupera plus seulement les espaces publicitaires classiques mais les couloirs centraux des stations. Son lancement a eu lieu il y a quelques jours.
C’est ainsi qu’un (très astucieux) coup de pub se transforme ni plus ni moins en révolution, et nous donne à réfléchir sur le rôle de ce type de commerce dans la distribution de demain. Car les points de vente virtuels n’ont pas uniquement un but pratique: ils signent la fin de toutes les contraintes pesant sur la distribution physique (horaires, ruptures de stocks, vols, casse, produits périmés…) tout en offrant des possibilités de merchandising égales à celle du monde réel (et donc bien supérieures au e-commerce). Et contribuent inévitablement, s’ils se généralisent dans les transports en commun, à rendre encore plus invasive une publicité qui a déjà investi la plupart des espaces urbains.
«Cette opération préfigure le commerce en ligne de demain, placé sous le signe du téléphone intelligent», résume Irene Lam, porte parole de l’Agence Cheil Worldwide. Sans blague.
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