Lors d’une formation marketing ciblée pour les traducteurs et les agences de traduction que je tiens parfois en Italie, alors que j’exposais rapidement les critères de base pour optimiser son référencement, l’un des participants m’a surpris en me posant la question suivante :
- « Ma société arrive en première page des résultats de Google sur la requête « traduction de sites Web », et pourtant j’ai jamais obtenu un seul contrat grâce à ça. Pourquoi ? »
Impossible de répondre sur le moment sans un minimum d’analyse, mais juste une promesse de me pencher sur la question pour une réponse argumentée. Que voici. C’est en italien, bien sûr, c’est dédié à la traduction, mais au-delà du domaine et de la langue, c’est transposable à quelque autre secteur – et langue – que ce soit. J’ai donc demandé à Éric si ça l’intéressait que j’adapte mon billet en français, et il s’est montré enthousiaste. Dont acte.
Tout d’abord, la réponse à la question ci-dessus est évidente : travailler sérieusement le référencement ou investir en pub contextuelle pour se positionner en première page des résultats n’est que la moitié du parcours, peut-être même la plus facile, le problème consiste ensuite à faire une landing page (page d’atterrissage, ou « atterripage » si vous me permettez un néologisme d’amoureux des mots) qui marche !
Et pour tenter d’expliquer ce qui marche ou ne marche pas à des profanes (à part quelques exceptions, la plupart des traducteurs ne sont pas forcément versés dans les petits secrets du Web), il fallait que je formule une réponse avec des mots aisément compréhensibles par tous.
J’ai donc procédé en analysant les 4 premières pages de résultats de Google sur les requêtes :
- Traduzione siti web (IT)
- Traduction sites web (FR)
- Translation websites (EN)
- Websites translation (EN)
pour étudier les « landing pages » des agences de traduction positionnées sur les recherches correspondantes.
Puis en mélangeant le tout, j’ai obtenu 55 résultats, 14 payants et 41 organiques (et ne me demandez pas pourquoi 40 au lieu de 41 ). Sur ces 41, 27 (65,85%) font référence aux outils de traduction gratuits, et juste 14 (34,15%) à des agences. Ensuite, en affinant ces 14 (duplications, autres qu’agences, etc.), il ne me reste que 9 résultats, auxquels j’ai ajouté translated.net qui est le premier résultat payant, avec 3 présences sur 4 pages de résultats.
Par conséquent, au bout de ma sélection, j’ai obtenu les 10 « landing pages » ci-après sur les requêtes mentionnées plus haut :
1. Soget.net
2. BeTranslated.com
3. Traduzione-Localizzazione.com
4. TrustedTranslations.com
5. Translatonline.com
6. Translation-Services-USA.com
7. Agostiniassociati.it
8. GTS-Translation.com
9. Samuele.net
10. Translated.net
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Maintenant, pour analyser les points forts et les points faibles de chacune, mieux vaut commencer par définir ce qu’est une landing page, le plus simplement possible :
Page Web extrêmement ciblée, optimisée dans un seul but :
faire accomplir une action à l’internaute.
Une seule action en théorie, même si on peut parfois en proposer deux, à condition qu’elles n’aient pas le même « poids », autant visuellement qu’au niveau « contenu » : une action principale (celle qu’on préfère), et une action secondaire (celle qui vaut mieux que rien, l’important à ce stade étant de ne pas perdre le contact).
L’objectif d’une « atterripage » qui « convertit » pouvant indiquer deux choses :
- une vente (sale), où l’internaute est « converti » en client
- un contact (lead), où l’internaute est « converti » en client … potentiel, ou prospect
Du reste si les deux actions ne proposent pas une distinction marquée à l’internaute, ça ne fait que créer davantage de confusion dans son esprit, en allant parfois jusqu’à le faire renoncer justement parce qu’il ne sait quelle option choisir.
Et toute renonciation à accomplir l’action ne signifie que deux choses :
1. votre page ne marche pas !
2. vous avez perdu un client potentiel…
Car vous pouvez être sûr qu’à 99% il ne reviendra plus !
Je passe également sous silence la distinction entre landing page événementielle (ponctuelle par définition) et permanente, pour n’analyser ici qu’une page permanente. D’ailleurs il serait difficile de positionner une page ponctuelle dans les 10 premiers résultats organiques des moteurs.
J’ignore enfin un certain type d’approche à l’anglo-saxonne qui juge que la présence d’une invitation à l’action (call-to-action / CTA) est à éviter sur une landing page, puisqu’en fait c’est le bouton CTA de vos pages qui doit renvoyer sur la landing page ! Or cette logique suppose que l’internaute est déjà sur votre site, alors que dans la présente analyse, le postulat de départ est qu’il arrive sur votre site via un moteur de recherche. Et si votre site est raisonnablement optimisé il va arriver soit sur la « landing page » de votre choix, soit sur la page d’accueil censée l’envoyer sur la « landing page » de votre choix (auquel cas la page d’accueil fait fonction de « landing path » : voir la page 8, seul exemple de mon échantillon). Nous avons donc un double passage : page d’arrivée –> CTA –> atterripage, ce qui me semble plutôt aléatoire. Car s’il est déjà compliqué en soi de faire faire UNE action à l’internaute, imaginez DEUX !
Par conséquent, mon raisonnement est le suivant : CTA positionné sur la landing page (qui peut être soit votre page d’accueil, soit une page optimisée pour une requête spéciale), celle-ci étant construite autour des trois pôles suivants :
I. OFFRE – II. VALEUR – III. ACTION
I. L’offre
L’offre doit correspondre à ce que le visiteur s’attend à trouver : s’il fait une recherche sur « traduction de sites web », à 99% il ne veut pas de traduction technique, littéraire, juridique, etc.
Inutile donc qu’il trouve une page descriptive expliquant ce qu’est la traduction en général, quels sont tous les services offerts par l’agence, etc. Il veut juste traduire son site. Point barre.
Il arrive sur votre site pour un motif précis, par pour flâner et perdre son temps. Raison pour laquelle il ne souhaite pas être distrait par des explications vaseuses qui ne l’intéressent pas ou par une navigation qui l’écarterait de son objectif initial : soit il trouve immédiatement ce qu’il veut, soit il s’en va chercher ailleurs … pour ne plus revenir !
II. La valeur
La valeur intrinsèque de l’atterripage est la raison principale pour laquelle l’internaute accomplira l’action ou non. Il ne suffit pas de lui faire comprendre que vous traduisez les sites Web, il faut également le convaincre (de manière plus subjective qu’objective, je vous l’accorde) que vous offrez le meilleur rapport qualité / prix disponible sur le marché…
III. L’action
L’invitation à l’action est censée être la synthèse, l’adéquation parfaite entre l’offre et la valeur de votre page : celle qui convertit l’internaute en client ou en client potentiel.
Même si dans le domaine des services il est certainement plus facile d’obtenir un prospect qualifié qu’un client direct, car contrairement aux produits, dont la perception est plus immédiate par l’internaute (qui peut presque « voir et toucher » le produit), les services sont plus difficiles à appréhender, de par leur immatérialité et leur intangibilité (vieille règle marketing).
* * *
Ainsi, au terme de l’analyse, je me retrouve avec cinq paires de pages : la 5 et la 6 ; la 7 et la 9 ; la 2 et la 4 ; la 1 et la 3 ; la 8 et la 10.
Point commun entre ces deux pages : le bouton d’invitation à l’action est l’élément graphique qui ressort avec le plus de force au centre de la page pour proposer à l’internaute un devis de traduction, un bouton qui attire l’œil et capture d’emblée l’attention. Le code « couleur » a d’ailleurs une grande importance, et je vous invite à suivre chacun des 4 parcours (path) que propose le site Translation Services USA, qui est un modèle du genre, en portant votre attention plus spécialement sur les couleurs (bleu, jaune, vert, rouge, ça vous rappelle rien ?), et comment elles sont déclinées sur chacune des pages :
Rien à dire, les anglo-saxons sont vraiment les meilleurs dans ce domaine ! Avec des exceptions, heureusement…
La 7 et la 9 proposent également un bouton CTA, plus allongé mais moins visible, et donc moins immédiatement perceptible, avec un ton de bleu plus effacé qui ne ressort que par contraste avec le blanc de la page, mais certainement moins invitant que pour la 5 et la 6. Disons que d’un seul point de vue graphique, indépendamment des contenus, ces deux pages nous « parlent moins » que les précédentes.
Dans le cas des pages 2 et 4, nous avons un box (2) et un bouton (4) encore moins visibles positionnés en haut dans la colonne de droite, alors que depuis longtemps l’oculométrie (études d’eye-tracking) nous disent que les deux zones qui impactent le plus sont en haut à gauche et au centre de la page.
Quant aux pages 1 et 3, elles sont encore plus symptomatiques de cette « invisibilité » de l’action, puisque dans le cas de la 1, le bouton est bien présent dans la colonne en haut à droite, mais complètement noyé et incapable d’attirer l’attention. Autrement dit aucune invitation à l’action immédiatement perceptible, alors qu’une des règles de base d’optimisation d’une atterripage est justement de faciliter la navigation, en éliminant les éléments distrayants ou inutiles pour guider d’emblée le chemin de l’utilisateur.
Idem pour la 3, où l’internaute s’attend implicitement à voir l’invitation à l’action (celle qui, d’après lui, devrait être là pour résoudre son problème) au milieu de l’énorme bandeau qui traverse toute la page, alors que dans ce cas, il n’y a malheureusement rien au-dessus de la ligne de flottaison, « above the fold », qui correspond à la ligne virtuelle séparant le contenu qui apparaît à l’écran de celui qui n’apparait pas et n’est visible qu’en utilisant la barre de défilement (ascenseur) ou la molette de la souris.
Source: UseIt
Et si l’on constate une perte d’attention vertigineuse de l’internaute lorsqu’il navigue en dessous de la ligne (« below the fold »), imaginez un peu lorsque le CTA se trouve tout en bas de la page et sans la moindre visibilité (puisque sur la page 3, il se confond presque totalement avec le texte environnant). Donc la critique est la même que pour la page 1, où l’invitation à l’action n’est ni facilitée ni encouragée pour l’internaute.
À noter en outre que la page 1 est la seule qui utilise une vidéo, plutôt bien faite et rythmée, mais qui n’est pas strictement pertinente par rapport au thème « traduction de sites Web », et n’influe donc en rien sur la logique de la page. Inversement, un clip expliquant la façon dont on traduit et localise un site pourrait influencer davantage l’internaute.
Enfin, les pages 8 et 10 sont deux cas à part, puisque la 10, qui se distingue des neuf autres résultats organiques (dont l’on suppose a priori qu’ils sont en première page grâce à la qualité de leur contenu) par le fait qu’il s’agit d’un positionnement payant. Elle doit donc conquérir l’internaute par son efficacité, et c’est vraiment un parfait cas d’étude (qui sort du cadre de la présente évaluation), où chaque élément est au bon endroit et a le bon « poids ». L’organisation de cette page mériterait vraiment une analyse à part entière, si quelqu’un veut s’y atteler…
Concernant la page 8, comme je le disais plus haut, c’est plutôt un « landing path », où le box « traduction sites Web », en haut à gauche, vous conduit vers une seconde page. Une critique à faire sur ce box, importante, est qu’il n’est pas clicable. Seuls l’icône et le lien « Click here… » le sont, alors qu’il serait bien plus efficace de rendre tout le box en mode graphique entièrement clicable, pour le confort du visiteur, quitte à insérer la partie texte sous l’attribut « alt » si on voulait à tout prix la conserver.
En revanche, l’atterripage vers laquelle renvoit le lien est extrêmement ciblée et optimisée, mais pas forcément réussie à 100%, nous allons voir pourquoi.
Cette page me permet d’illustrer deux concepts clés que j’ai déjà abordés mais sur lesquels je voudrais insister :
A. Distinction entre « action principale » et « action secondaire »
B. Nécessité de faire agir des « prospects qualifiés »
* * *
A. Distinction entre « action principale » et « action secondaire »
La page propose deux options : obtenir un devis (get quote) ou tester la traduction gratuite (try it free). Or ces deux éléments ont un « poids » graphique pratiquement identique, puisque rien ne les distingue l’un de l’autre, si ce n’est la petite flèche à droite de « try it free » qui semble mettre en avant l’essai de la solution gratuite plutôt que la demande de devis, si l’on veut raisonner en termes de différenciation.
Selon moi, il y a là une alternative qui n’est pas suffisamment claire et risque de faire naître davantage la confusion que la détermination chez l’internaute. Une façon de différencier nettement les deux actions, de nature totalement opposée, serait de marquer nettement cette différence, soit en positionnant les boutons sur deux emplacements éloignés de la page, soit graphiquement (soit les deux). Exemple :
Or cette confusion entre l’action principale (demande de devis) et l’action secondaire (tester gratuitement) est d’autant plus étonnante qu’une agence de traduction professionnelle devrait d’abord chercher à vendre ses services, plutôt que de proposer une traduction gratuite sur laquelle elle n’est pas concurrentielle (je rappelle que sur les 41 résultats, 65,85% font référence à des outils de traduction gratuits…).
Le deuxième point, discriminant, concerne la nécessité de créer des contacts qualifiés.
B. Nécessité de faire agir des « prospects qualifiés »
Dans le cas d’une agence de traduction, l’élément discriminant qui sert à qualifier le prospect est le prix. Chose que fait parfaitement cet élément graphique :
En effet, la personne qui demande un devis sait que le tarif commence à 20$ la page. Ce qui est justement un bon moyen d’éviter d’être contacté par l’internaute qui perd son temps (et qui est donc prêt à vous faire perdre le vôtre) à la recherche de solutions gratuites, pour lesquelles il n’a que l’embarras du choix.
C’est pourquoi je trouve qu’il y a une contradiction à ce niveau-là, car même en supposant que l’intention soit de faire tester le système pour juger de la qualité de la traduction, d’une part ce n’est certainement pas la meilleure façon de s’y prendre, et de l’autre ça ne fait que confondre les idées à l’internaute en quête d’une solution plus « sérieuse » : s’il recherchait uniquement le gratuit, il ne serait jamais arrivé là mais sur l’une des 27 pages des 41 résultats proposés par Google…
* * *
Voilà. Au terme de cette comparaison (très brève mais suffisante pour fournir quelques indices, du moins je l’espère), posez-vous une seule question : en sachant que vous n’avez qu’entre 0 et 8 secondes pour être convaincus par une page, laquelle de ces pages a capturé votre attention d’emblée ? Et demandez-vous pourquoi…
Lorsque j’ai rédigé mon billet en italien, j’ai envoyé un petit questionnaire en 10 points à chacun des contacts des 10 pages analysées. Le voici :
1. Chaque page que l’on trouve en première page des résultats de Google a-t-elle été conçue selon les critères d’une landing page?
2. Si la réponse est «oui», quels sont ces critères ?
3. Si la réponse est «non», pourquoi ? Et dans ce cas, est-ce que ça pourrait être utile ?
4. Quel est le but de cette page ? (Obtenir une demande de devis, de nouveaux contacts, autre ?)
5. Es-tu satisfait des résultats de tes pages, et de leur taux de conversion ?
6. Si la réponse est «oui», comment envisages-tu d’améliorer encore ces résultats ?
7. Si la réponse est « non », que penses-tu qu’il faudrait faire pour les améliorer tout court ?
8. Si tu devais calculer le pourcentage de C.A. généré par cette page sur ton C.A. total, qu’en dirais-tu : – pas du tout satisfaisant – assez satisfaisant – bon – excellent ?
9. Pourrais-tu quantifier ta réponse en chiffres ?
10. Au-delà de cette ou ces pages en particulier, quelle est la stratégie globale de ton site Web ?
Or je voudrais vous signaler une réponse à la question n° 2 :
- Contenu approprié, Metatags optimisés, âge du domaine, mots clés dans url (sans oublier le côté offsite important comme backlinks variés). Le consensus semble être l’optimisation sans « sur optimisation ». Équilibre à trouver.
Rien à redire sur ces critères, toujours valables, mais je me dis qu’il y a là une confusion entre une page quelconque d’un site, optimisée dans les règles de l’art, et une « landing page », dont l’architecture ne doit conduire qu’à un seul objectif : faire accomplir une action à l’internaute.
Je voudrais faire un parallèle avec les pages/sites MFA, dont le seul but est de faire cliquer le visiteur sur les pubs, où pour simplifier l’une des caractéristiques éprouvées est souvent d’avoir des pages au contenu aussi pauvre que possible en qualité et en quantité, juste pour forcer l’internaute agacé ou distrait par la non-qualité à faire ce geste…
Et bien là le principe est le même, mais naturellement en y arrivant par d’autres moyens : en ciblant l’offre de chaque page sur un seul sujet, un seul thème (qui sera en phase avec la requête et la problématique de votre visiteur), en expliquant sans fioritures pourquoi et comment la valeur ajoutée que vous proposez répond à sa requête, et en l’invitant à faire l’action, principale ou secondaire, capable de résoudre sa problématique ou, pour le moins, d’établir un premier contact en vue de résoudre sa problématique dans un deuxième temps.
Je terminerai cette analyse en faisant ressortir une lacune importante, selon moi, commune à toutes les pages qui précèdent, puisqu’aucune d’entre elles ne DONNE quelque chose en contrepartie de l’action qu’elle prétend recevoir. Or si j’attends de l’internaute qu’il accomplisse une action sur ma page, pourquoi ne pas l’inciter à faire cette action en lui donnant quelque chose ?
Dans le cas d’espèce, cela pourrait être le téléchargement gratuit d’un livre blanc ayant pour thème : « Comment traduit-on un site web ? », en échange des mêmes informations que vous pourriez recevoir lors d’une demande de devis, et accompagné des liens de partage habituels sur les réseaux sociaux qu’on trouve désormais sur toutes les pages…
C’est là un exemple typique d’action secondaire (voire principale…), et ça reste un excellent moyen d’établir une forme de contact avec votre visiteur d’un instant plutôt que de le perdre définitivement…
En conclusion, j’ai volontairement écarté tous les aspects techniques de la création d’une « landing page », il y a déjà des centaines de billets et d’articles qui en parlent fort bien, en essayant de concentrer la discussion sur le triptyque Offre – Valeur – Action, mais n’hésitez pas à me dire s’il manque quelque chose, selon vous, je suis bien sûr ouvert à toutes vos suggestions et critiques.
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