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Vendredi, 19 Août 2011 15:00

Portraits de technomades : Marie-Ange Ostré, blog-trotteuse depuis 2004

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Interview réalisée par Fabrice, du blog Instinct Voyageur[1]. Cet article fait partie de la série « Technomades » qui dresse le portraits de blogueurs sans frontières qui parcourent le monde et parviennent à concilier leur passion du voyage avec une activité professionnelle, montrant qu’il est possible de l’exercer de n’importe-où grâce à internet.

Marie-Ange Ostré est une grande blogueuse-voyageuse. Son blog de voyages Un Monde Ailleurs est sans doute le plus gros blog indépendant sur cette thématique, en langue française. Surtout qu’il est écrit par une vraie voyageuse sur le terrain ! Ce blog existe depuis 2005, une période très longue dans le monde éphémère du blogging. Le reste du temps Marie-Ange est journaliste voyage freelance : elle travaille pour la presse, tour opérateurs, vend ses photos… Aussi, je me devais de lui poser quelques questions !

Bonjour Marie-Ange, pourrais-tu te présenter ?

Bonjour Fabrice, je me définis comme une « blog-trotteuse ». Je publie depuis près de 7 ans – et plusieurs fois par semaine – mes récits et photos de voyage aux quatre coins du monde. Environ 250 destinations (pays, îles, villes) sur les 5 continents. Cela signifie au moins 10 ou 12 voyages par an, pour continuer à alimenter le blog.

Quelle évolution as-tu observé dans le blogging depuis que tu as lancé Un Monde Ailleurs en 2005 ?

En réalité j’ai commencé à bloguer fin 2004 avec un mot passe d’accès pour ma famille et mes amis, je n’ai ouvert mon blog au grand public qu’en septembre 2005 en supprimant au passage quelques posts trop personnels, les plus anciens. En 2004 on ne trouvait pas grand-monde dans ce qu’on n’appelait pas encore « la blogosphère française » ; il s’agissait en majorité déjà de blogs d’humeur, carnets intimes, et beaucoup de bidouillages puisqu’en France on disposait essentiellement alors de plates-formes de blogs prêts à l’emploi pour démarrer. Les pros du web fabriquaient déjà leurs propres maquettes, mais ils étaient encore rares et peu connus (les meilleurs d’alors sont toujours présents aujourd’hui).

Depuis, la blogosphère française s’est largement étoffée : aujourd’hui n’importe quel utilisateur de clavier peut créer un blog et avec un minimum de connaissances s’afficher sur des maquettes plus élaborées (conçues par d’autres, ou personnalisées). Les blogs ont été catégorisés par thématiques, la blogosphère s’est rapidement organisée, hiérarchisée, voire même professionnalisée. On a vu les précurseurs s’affirmer avec succès, et faire envie aux amateurs rêvant de monétisation facile. Explosion de blogs ! Avec une majorité de blogs d’ados en recherche d’image personnelle. C’est bien, parce que la multiplicité des blogs francophones permet aujourd’hui au lecteur de trouver ce qu’il cherche ; même s’il faut parfois chercher longuement pour dénicher une vraie qualité.

Portraits de technomades : Marie-Ange Ostré, blog-trotteuse depuis 2004
Bornéo : prise de notes en pirogue sur une rivière dans la jungle
de Bornéo (Indonésie), immersion d’une semaine dans un village Dayak
à 2h30 de tout autre village (et aucune route par la terre)

Et que penses-tu de la récente vague de blogs de voyages français ?

Le voyage fait toujours rêver, moi-même je rêve parfois sur les blogs de voyages d’autres auteurs qui me donnent envie d’aller voir ailleurs, toujours plus loin. Et le voyage est devenu beaucoup plus abordable au fil des années, les étudiants en fin de parcours partent aussi plus souvent pour faire un break entre études et début de vie professionnelle. Il est normal que tout le monde ait envie de raconter son parcours, ses étapes, et des portails de blogs spécialisés sur le voyage se sont ouverts depuis 2 ou 3 ans, favorisant la publication facile et rapide de photos surtout. Ce qui permet de partager au minimum avec sa famille et ses amis même quand on se trouve au bout du monde. Google et son appétit monstrueux fait le reste : diffusion, visibilité.

J’ai le sentiment que cette nouvelle vague de blogs voyages a explosé depuis l’été 2010. Pourquoi ?!… Mystère. Avec neuf mois de recul (belle gestation !), je découvre 20 ou 30 blogs récents sur la thématique du voyage, sans compter ceux que je ne connais pas bien sûr. Il y a tous ceux qui se cachent à l’intérieur des plate-formes de blogs voyages (Expedia, etc…), et ceux – moins nombreux – qui ont osé l’indépendance en publiant sous leur propre nom de domaine.

Reste qu’il faut ensuite trier le bon grain de l’ivraie : qualité du contenu (textes et images) et du contenant (maquette, architecture, design), régularité de publication (un tour du monde de quelques mois puis s’en va, ou un blog au long cours), et surtout intérêt véritable du blog. On navigue alors entre différentes sous-thématiques du voyage : les blogs d’activités liées au voyage (photographie, plongée sous-marine,…), les blogs par destination (focus sur l’Asie ou l’Amérique du Sud,…), les blogs de conseil aux voyageurs, et plus rarement des blogs reprenant les infos du monde du tourisme, se contentant souvent de recopier des communiqués de presse édités par les professionnels.

L’appréciation est bien sûr subjective, strictement personnelle à chacun puisque dans cette variété de blogs chaque lecteur peut alors dénicher l’auteur dont le ton ou l’approche lui semblera convenir à ses attentes ou à ses goûts personnels. L’essentiel, pour l’auteur comme pour le lecteur, étant de se faire plaisir.

Portraits de technomades : Marie-Ange Ostré, blog-trotteuse depuis 2004
Chine : déjeuner traditionnel dans une famille chinoise du
Yunnan au pied des premiers contreforts du Tibet

En effet, il y a eu une accélération après l’été 2010. C’est d’ailleurs à cette période que j’ai crée mon blog Instinct Voyageur. Comment arrives-tu à conjuguer temps de voyage et temps de blogging ? Combien de semaines par an es-tu en voyage ?

J’ai toujours voyagé, mais ces trois dernières années je dois frôler les 6 ou 7 mois hors du domicile en France. Ce qui est sûr c’est que je pars pour bloguer même si au départ c’est ma passion du voyage et de l’ailleurs, mon goût pour les autres cultures et les grands espaces qui m’aident à choisir telle ou telle autre destination.

Mais en tant que blogueuse mes besoins sont différents du voyageur classique. Je vis chaque voyage comme un job à part entière : je pars pour raconter, pour montrer, pour témoigner. Pour inciter chaque lecteur à partir à son tour pour découvrir cette destination, ses activités possibles, sa gastronomie, sa population. Alors c’est souvent debout vers 06:00 du matin, la course toute la journée pour emmagasiner un maximum de matière et expérimenter le plus possible, et couchée après minuit quand je peux enfin refermer le Mac après avoir publié en live, répondu aux commentaires, géré les e-mails pour préparer les prochains départs. Je rentre toujours claquée, mais je ne me plains pas. J’adore ça !

Je ne sais pas m’allonger sur une plage pour ne rien faire.

Combien de temps passes-tu par semaine à bloguer ?

Quand je rentre chez moi, je passe de 10 à 14 heures par jour sur l’ordi. En voyage, c’est au moins 3 heures par jour en plus des activités normales. Il me faut entre 3 et 4 heures de travail pour écrire, illustrer et mettre en ligne un article. On dit que j’écris trop long pour un blog ! Mais je ne me limite pas à des articles de tant de mots. J’écris ce qui me vient, sans limite.

Et puis je n’ai pas de limite non plus sur mon agenda, pas de vacances, pas de week-end, pas de jours fériés. L’avantage du blogueur c’est qu’il est libre de décider quand il veut publier, et sur quelle fréquence. En tenant compte bien sûr des attentes de ses lecteurs. Mais j’admets que j’ai du mal à tout gérer toute seule.

C’est compréhensible ! Quels outils ou services internet utilises-tu au quotidien pour te faciliter la vie ?

Chacun trouve ses services et usages en fonction de son mode de fonctionnement et de ses tâches, et ces services et usages peuvent fluctuer aussi. Skype m’est indispensable mais strictement réservé à la sphère privée pour limiter l’aspect chronophage. Je suis utilisatrice Mac, top pour gérer tous les aspects pratiques de la vie d’un communicant, lié à l’iPhone c’est idéal.

Sinon quelques liens RSS pour l’actualité, Facebook dont je filtre beaucoup les demandes d’amitié, et Twitter même si j’essaie de limiter les infos que je diffuse pour ne pas saturer mes abonnés ; nous en recevons déjà beaucoup trop tous azimuts.

As-tu des trucs pratiques à donner pour être plus efficace dans son activité de « blogueur voyageur » ?

Bien se renseigner sur la destination avant de partir pour avoir déjà une bonne connaissance géographique, historique et culturelle sur l’endroit avant d’arriver. Pour pouvoir absorber les expériences en toute connaissance de cause et parfois aussi ne pas faire d’impair sur place avec les populations en fonction de leurs convictions ou de leurs croyances.

Bien préparer son matériel et ses outils avant le départ : sur place on a rarement le temps de nettoyer un objectif ou de vider un mini disque dur. S’assurer qu’il reste suffisamment de place sur le disque de votre ordi, emporter assez de cartes mémoire pour l’appareil photo. Recharger immédiatement toutes les batteries dès qu’on entre dans sa chambre d’hôtel, transférer immédiatement les photos vers les disques externes et les reformater pour qu’elles soient prêtes à l’emploi dans la seconde.

Etre organisé, structuré. Ne pas oublier de remercier tous les contacts après le retour.

Avoir une trousse de secours pour assurer côté santé et éviter l’escalade très rapide sous des températures extrêmes…

Ne pas chômer… Même s’il faut savoir lâcher prise parfois, pour mieux profiter de l’instant et être capable de mieux raconter ensuite.

Portraits de technomades : Marie-Ange Ostré, blog-trotteuse depuis 2004
Namibie : en conversation avec des femmes de la tribu des San (ou Bushmen)
dans le Nord du désert du Kalahari avec l’aide d’un intermédiaire puisque je ne pratique
pas la langue des clic. Cinq jours en immersion dans un village San

Voilà de bons conseils ! Marie-Ange, pourrais-tu t’arrêter de bloguer ?

Bien sûr ! Bloguer n’est pas une vocation, c’est juste un moyen de communication. Il y en a d’autres, et il y en aura d’autres. Le blog permet d’être en relation quasi permanente avec ses lecteurs, il y a une interactivité immédiate qui permet aussi de ne pas se sentir seul(e) parfois au bout du monde ou quand on galère. Un côté rassurant, mais pas indispensable.

Ce qui me motive avant tout dans le blogging c’est cette fabuleuse opportunité de dire à mes lecteurs : «regardez, lisez, et allez-y ! ». Quand un lecteur m’écrit « tu en as parlé, j’y suis allé, c’était super ! » je suis très heureuse : j’ai réussi à ouvrir la porte un peu plus grand à l’un d’entre eux en l’incitant à sortir de ses repères.

Tu t’es lancée dans la publication d’un magazine en ligne « Repérages Voyages ». Celui-ci est gratuit. Quelle est ton approche derrière ce modèle économique ?

Deux points dans ta question : mon approche éditoriale, et mon modèle économique. Les deux sont très simples, basiques même. J’ai créé Repérages Voyages parce qu’en tant que photographe je me sentais à l’étroit dans le cadre d’un 600 pixels de large maximum pour l’affichage de mes photos sur mon blog de voyages Un Monde Ailleurs ; et puis pendant quelques semaines je me suis amusée à créer le magazine que j’aurais envie d’acheter en librairie, celui dont je rêvais, axé uniquement sur le témoignage de voyageurs pour des voyageurs, et très orienté photo. Un jour j’ai décidé de le mettre à disposition gratuitement. Je fais donc appel essentiellement à des auteurs voyageurs – pas forcément professionnels de l’écriture, de la photo ou du journalisme – pour avoir avant tout de l’authenticité et un enthousiasme naturel. Je cherche un ton, une passion, genre « les voyageurs parlent aux voyageurs ».

Le modèle économique est celui de tout magazine de presse traditionnelle : je fais appel à des auteurs et / ou photographes. Je travaille avec une maquettiste pro, Lydia Wen, une Taïwanaise vivant à… Sydney en Australie ! Une collaboration pas simple à gérer entre deux hémisphères et 8 à 10 heures de décalage horaire, mais très fructueuse du fait de nos cultures différentes et de nos cadres de vie différents. Elle est fantastique, et je m’amuse beaucoup !

Pour assumer ces frais de production j’affiche des pages de publicité (cliquables), mais pas plus de 15 maximum (pour l’instant je tourne avec 7 pages de pub en moyenne). Sept à quinze pages de pub sur un magazine qui en compte entre 120 et 140 par numéro, ce n’est pas grand-chose. Pour l’instant aucun lecteur ne s’est plaint, et ils sont très nombreux ! Pourtant Repérages Voyages pour l’instant n’est accessible que depuis la plate-forme de publication Issuu.com et sur mon blog Un Monde Ailleurs…

Ces pages de pub me permettent d’offrir ce magazine online gratuitement aux lecteurs. Le magazine est à disposition de n’importe quel lecteur dans le monde sans abonnement ni téléchargement, 24 heures sur 24, et sans limitation dans le temps dès qu’il est en ligne. Vous revenez quand vous voulez, autant que vous le souhaitez, où que vous soyez. Et c’est gratuit !

Pour l’avoir lu, c’est un magazine de qualité. Comment vois-tu l’avenir d’Un Monde Ailleurs ? D’autres projets ?

Mon projet immédiat est l’amélioration et le développement du magazine gratuit Repérages Voyages : je travaille sur le 3ème numéro qui sortira début septembre, en tenant compte de tous les avis et suggestions qui m’ont été transmis. J’aimerais que tous les lecteurs se sentent chez eux en ouvrant Repérages Voyages, avec une manipulation simple – pas de sophistication qui rebuterait les débutants sur le web – et en privilégiant l’image et le témoignage. Je vais aussi faire en sorte de le publier sous son propre nom de domaine dès que possible, pour sortir de la plate-forme Issuu.com. Mon rêve ? Le transformer en magazine mensuel ! Mais en attendant je suis seule à le gérer, en plus de mes autres activités.

Quant au blog Un Monde Ailleurs, je le transforme un peu chaque mois. Un blog doit évoluer régulièrement pour ne pas lasser les abonnés, pour surprendre régulièrement. Et puis j’ai des voyages prévus pour le second semestre qui ne fait que commencer, dont 2 belles destinations qui plairont forcément. Et l’année 2012 s’annonce riche en perspectives. Beaucoup de contenu à venir et une ou deux surprises…

Quant au reste… chaque chose en son temps ! Mais ça fourmille !…

Un dernier mot ?

Oui : voyagez ! Partez ! Quelque soit votre rêve, quelle que soit la destination, quelque soit votre budget. Allez à la rencontre d’autres cultures, d’un autre environnement. Sortez du cadre de nos programmes télévisés, désintoxiquez-vous des journaux télévisés : le monde est vaste, et il est plus beau que l’on ne voudrait nous le faire croire…

Liens utiles :


[1]Fabrice a réalisé plusieurs voyages au long cours. Il est cette fois-ci en Amérique du Sud pour plus d’un an. Il raconte ses voyages sur son blog Instinct Voyageur. Un blog qui lui permet de financer sa passion. Vous y trouverez interviews, réflexions, conseils pratiques et bons plans. Il y offre aussi Le Manifeste du Voyageur, un ouvrage de près de 70 pages sur les voyages et la vie nomade.

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