Le Parlement européen a adopté, mercredi 22 septembre, le rapport Gallo sur la propriété intellectuelle sur Internet à 328 voix pour, 245 voix contre et 80 abstentions. Ce rapport d'initiative, c'est-à-dire non législatif, vise à "renforcer l'application des
Le rapport devrait être suivi de propositions législatives. "Adopter ce rapport permet d'envoyer un message fort à la Commission européenne pour qu'elle prenne ses responsabilités en matière de propriété intellectuelle", fait valoir le cabinet de Marielle Gallo, interrogé par Nouvelobs.com.
Toutefois, quelques heures avant le vote, le rapport était encore largement décrié pour son volet répressif par l'opposition et différentes organisations comme la Quadrature du net et Reporters Sans frontières (RSF).
Le rapport Gallo "préconise la sanction généralisée"
"La droite refuse de faire évoluer le droit face au nouvel environnement numérique et n'a d'autre solution que de préconiser la sanction généralisée des usagers", tranche l'eurodéputée PS Françoise Castex.
"Le rapport Gallo fait l'amalgame entre la contrefaçon et les échanges de fichiers sur Internet", souligne-t-elle à Nouvelobs.com. "C'est une faute de croire que tout est la même chose, que la contrefaçon de médicaments s'assimile au peer-to-peer. Il faut bien distinguer les vrais problèmes de contrefaçons --le non-respect des marques et des brevets--, le téléchargement d'œuvres qui relève de l'infraction --quand les films ne sont même pas sortis en salle par exemple--, et le peer-to-peer à des fins non commerciales", explique-t-elle.
"Aujourd'hui, l'échange de fichiers sur Internet relève d'un nouveau mode de diffusion, d'une nouvelle pratique culturelle. La meilleure façon de le traiter serait d'étendre le droit à la copie privée, avec bien entendu ce que cela impliquerait comme rémunération pour les artistes. Incriminer les internautes n'est pas une solution", plaide l'eurodéputé mobilisée.
Françoise Castex a présenté une résolution alternative au rapport Gallo au nom du groupe socialistes-verts-gauche unitaire européenne. La résolution soutenue par RSF et la Quadrature du net a toutefois été rejetée.
Le spectre de l'Hadopi
Avec le rapport Gallo, la Quadrature du net s'inquiète d'une potentielle mise en place "d'une police privée du copyright". "Le rapport Gallo encourage une coopération directe entre les FAI et les ayants droit, sans passer par les tribunaux", pointe son porte-parole Jérémie Zimmermann à Nouvelobs.com
Le rapport appelle ainsi à une collaboration directe entre ayants droit et intermédiaires techniques, à l'image de ce qui sera prochainement proposé par le traité anti-contrefaçon (ACTA), négocié à l'échelle internationale.
Concrètement, "via des mesures extra-législatives, serait mis en place une sorte de police privée qui va contacter les FAI [Fournisseurs d'accès à Internet, NDLR] pour leur demander des informations sur leurs abonnés ou leur demander de bloquer tel ou tel service", détaillait à Nouvelobs.com Lucie Morillon, responsable du bureau Internet chez RSF. "Les intermédiaires techniques ne doivent pas s'occuper de la répression", plaide-t-elle, parce qu'"ils choisiront toujours la formule la plus répressive".
"C'est la porte ouverte à une justice privée du droit d'auteur sur le Net", poursuit Françoise Castex. "On se rapproche de la philosophe de la première version de l'Hadopi qui a été retoquée au Conseil Constitutionnel...", souligne Jérémie Zimmermann.
Le spectre de la Haute autorité semble planer sur ce rapport Gallo. "Ce rapport n'est rien d'autre que la continuité de la politique du gouvernement français qui se préoccupe davantage des intérêts des majors du disque et du monde show-business que des libertés fondamentales des citoyens", estime Françoise Castex.
"Il ne faut pas oublier que Marielle Gallo est une député UMP et derrière elle il y a l'Hadopi et ce revers non digéré du Conseil Constitutionnel", renchérit Olivier Basille, représentant de RSF auprès de l'UE, interrogé par Nouvelobs.com.
"L'occasion ratée de lancer un vrai débat européen"
Reporters Sans Frontières apparaît mobilisé pour un débat sur la propriété intellectuelle. L'ONG affiche toutefois son rejet du rapport Gallo et plaide "pour un texte plus respectueux de la neutralité du net", avance Olivier Basille.
"Oui, il y a une nécessité à réfléchir au droit d'auteur, mais ce rapport a été fait dans l'urgence. Or, on sait que dans le processus législatif européen on ne revient jamais en arrière. Nous avons donc peur des conséquences d'un tel texte", explique le représentant de RSF. "Aujourd'hui on s'attaque aux fichiers illégaux échangés sur Internet, demain ce seront les propos jugés inacceptables sur la Toile ?", interroge-t-il.
"Au final, le rapport Gallo est surtout une occasion ratée de lancer un vrai débat à l'échelle européenne", conclut Françoise Castex. "L'Union européenne doit clarifier une position encore très floue face à un nouveau contexte de droit d'auteur."
(Boris Manenti – Nouvelobs.com)
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