Nouvel Observateur : Quel est l'objectif de la conférence ?
Loïc Le Meur : L'objectif est d'inspirer les entrepreneurs européens et d'offrir une boîte à outils pour réussir à trouver les bonnes idées et porter ses projets. On cherche à aider les entrepreneurs à mener leur projet de bout en bout. Les entrepreneurs peuvent également venir pour nouer des partenariats avec Google, Microsoft, etc. Parce que Le Web, c'est aussi l'occasion de faire venir à Paris les plus grandes réussites mondiales en matière d'Internet. Des conseils très pratiques sont ainsi délivrés. Par exemple, cette année, les développeurs d'Angry Birds nous expliqueront comment ils ont gagner 4 millions de dollars avec une application.
Quel est le thème de cette septième édition ?
- Cette année, le thème est "plates-formes". Il s'agit de s'attarder sur la plate-forme mobile (iPhone, Windows Phone 7, Android...), sur la plate-forme sociale (Facebook, Twitter, les jeux Zynga...), et enfin la plate-forme humaine (avec les applications liées au corps comme la balance Wi-Fi ou le contrôle de l'ordinateur par la pensée). Au Web, on vient aussi pour rêver l'avenir.
Quel regard portez-vous sur le web aujourd'hui ?
- La consommation d'informations est en pleine mutation. Désormais, l'information passe plus par des flux (le flux Facebook, le flux Twitter...) que par la page d'accueil du site d'un grand quotidien national. L'information passe plus par le filtre de ses amis, que par le filtre éditorial des journalistes.
Quel est l'avenir du web ?
- Nous sommes à l'aube d'un web complètement social. Bientôt le commerce deviendra social. Avec Facebook et un téléphone portable, nous choisirons nos restaurants et même nos plats en fonction des avis de nos amis. Plus rien ne s'achètera sans le filtre des amis. Le bouche-à-oreille sera bientôt réinventé. Et cela va changer beaucoup de choses pour PME.
Certains avancent que "le web est mort". Qu'en pensez-vous ?
- Je ne sais pas si c'est vrai, mais on s'aperçoit qu'une grande partie du trafic Internet passe maintenant par d'autres circuits que le navigateur web. L'utilisation d'Internet a complètement été modifiée ces dernières années. Le web se morcelle avec les applications pour Smartphones mais aussi des réseaux sociaux comme Facebook. Facebook est une sorte de web fermé à l'intérieur du web, un web privé réservé aux amis. Ma prédiction est que le web n'est pas mort et continuera d'exister et que d'ici 3 à 5 ans la prédominance de Facebook s'atténuera. Le web se transforme en devenant de plus en plus social, avec un partage incroyable des contenus et de plus en plus en public.
Et le blog est-il mort ?
- Je ne crois pas qu'il est mort. Je pense que le blog est toujours resté quelque chose d'assez confidentiel, de réservé à quelques uns. Aujourd'hui, le blog a touché le grand public via Facebook et Twitter qui sont aussi des blogs sous une forme beaucoup plus courte et plus facile. Pour Twitter, on parle d'ailleurs de micro-blogging.
Que pensez-vous des législations répressives pour Internet telle que l'Hadopi ?
- Hadopi est une loi ringarde et complètement ridicule. Elle n'est que le fruit de lobbys. C'est une tentative pour favoriser un modèle passé. Là est tout le problème : en France, on ne cherche qu'à protéger le passé. De plus, je ne suis pas certain que la répression soit un bon moyen... Ici, dans la Silicon Valley, on se concentre pour créer le prochain train plutôt que d'essayer à le réguler. En France, il y a une tendance à vouloir réguler tous les phénomènes. Personnellement, je préfère la vision de l'entreprenariat. Je préfère que les 1.500 emplois créés chez Zynga le soient en France, plutôt qu'une énième réflexion sur les applications Facebook.
Vous avez soutenu Nicolas Sarkozy pendant sa campagne de 2007. Seriez-vous prêt à réitérer l'expérience en 2012 ?
- C'est un épisode de ma vie qui est clôt. C'était une sorte de stage en politique qui a duré 4 mois. J'ai gardé une amitié avec les membres de l'équipe de Nicolas Sarkozy. Mais maintenant je suis concentré sur ma start-up. Je suis prêt à les aider si besoin, mais malheureusement l'économie du net n'est pas au centre de préoccupations du gouvernement. La preuve : il n'y a plus de secrétaire d'Etat...
Interview de Loïc Le Meur, par Boris Manenti
Authors: Nouvel Obs