Cheveux courts et barbe naissante, pull gris aux manches relevées, l'accusé est entré dans le box cinq minutes avant le début de l'audience à 11h, le visage éclairé d'un grand sourire pour adresser un geste de la main à ses proches. «Yvan Colonna, né le 7 avril 1960 à Ajaccio, berger. Domicile actuel maison d'arrêt de Fresnes», a-t-il ensuite répondu au président qui lui demandait de décliner son état civil.
Fin de cavale en juin 2033 Lors de ses deux premiers procès, il avait assumé son passé de militant nationaliste, mais en affirmant avoir quitté la lutte pour l'indépendance de l'île en 1989-90, après la naissance de son fils, pour s'occuper de sa famille, de sa bergerie et du club de football de Cargèse (Corse-du-Sud). Ayant pris la fuite après l'arrestation de ses complices présumés en mai 1999, Colonna n'avait pu être jugé en même temps qu'eux. Avant de se rétracter, plusieurs l'avaient accusé d'avoir participé à l'assassinat, certains le désignant même comme celui qui avait abattu le préfet de trois balles dans la nuque. Au terme d'une cavale de quatre ans dans le maquis corse, Yvan Colonna avait été arrêté en juillet 2003. Pour l'accusation, Yvan Colonna est le 7e membre du «groupe des anonymes», formé par des nationalistes déçus des luttes fratricides au sein de leurs mouvements historique. Ce groupe aurait fomenté cet assassinat ainsi que l'attaque en septembre 2007 de la gendarmerie de Pietrosella, au cours de laquelle l'arme du crime avait été dérobée. L'accusation se base sur les premières mises en cause formulées par ses présumés complices, des relevés téléphoniques montrant de nombreux contacts pendant la période de préparation de l'assassinat et le lendemain, et sur sa fuite. «Les charges qui pèsent contre lui se résument à des déclarations de co-accusés qui se sont rétractés (...), des accusations portées dans le cadre de la garde à vue maintenant inconstitutionnelle», a relevé avant l'audience Me Antoine Sollacaro. C'est selon lui «un moyen nouveau» que compte utiliser la défense du berger de Cargèse.Sans dire un mot à la presse, la famille du préfet Erignac, sa veuve, sa fille et son fils, avaient pris place peu de temps auparavant sur les places réservées aux parties civiles. «Depuis le début il proclame son innocence, sa ligne de défense n'a pas changé», a déclaré aux journalistes avant l'audience un des conseils d'Yvan Colonna, Me Pascal Garbarini. Simplement, a-t-il ajouté, «il a compris que l'accusation avait toujours cherché à le dépeindre comme quelqu'un capable de tuer», alors «il a décidé de s'expliquer davantage». Il a en outre un «ressort psychologique nouveau», s'étant récemment marié en détention.
Pour un autre de ses avocats, Me Eric Dupond-Moretti, qui vient de rejoindre son équipe de défense, il est «abattu par une détention extrêmement longue», mais «déterminé à se battre». En détention provisoire depuis près de huit ans, Yvan Colonna nie toute participation à l'assassinat de Claude Erignac le 6 février 1998 à Ajaccio, pour lequel six membres du commando ont été condamnés en 2003. Il a été condamné par deux fois à la perpétuité. En appel en 2009, sa peine a été alourdie d'une période de sûreté de 22 ans, mais ce verdict a été annulé en juin 2010 par la Cour de cassation pour un vice de procédure. Plus de 100 témoins et experts vont se succéder à la barre pour ce nouveau procès.
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