Production de masse ? Has been. Segmentation ? Tellement 20ème siècle. Nous plongeons à pieds joints dans l’hypersegmentation, toujours plus individualisée, spécifique, différenciée… Et plurimédias.
Les cookies, on connaissait. Les super cookies, aussi. Des outils très utiles en marketing digital, qui permettent aux marques de collecter un certain nombre de données utilisateurs dans le but d’adresser leurs messages publicitaires à une cible très précise. En somme, la qualité au détriment de la quantité. Mais la publicité comportementale commence à s’exporter en dehors du média Internet… en exhalant au passage un parfum d’année 1984.
La nouvelle trouvaille en matière de marketing one-to-one ? La reconnaissance faciale : des supports publicitaires dopés (panneaux, kiosques, ou encore distributeurs automatiques) qui seront capables d’afficher telle ou telle publicité selon ce que votre visage révèle de vous. Plus spécifiquement, ces dispositifs, développés par Microsoft et Intel, permettront de mesurer différentes caractéristiques physiques de l’individu se trouvant devant l’appareil (distance entre les yeux, largeur du nez, longueur de la mâchoire…) afin de dégager son profil démographique. La finalité est différente de celle recherchée par la police ou les casinos : il ne s’agit pas d’identifier des individus précis grâce à une base de données picturale, mais de comparer les mesures effectuées aux « traits standards » caractérisant les visages masculins, féminins, jeunes et vieux.
De grandes marques se penchent déjà sur la question. Adidas, par exemple, prévoit de tester des murs digitaux dans plusieurs de ses magasins aux Etats-Unis et en Grande Bretagne. Les produits affichés changeront selon l’âge et le sexe du spectateur (collections spécifiques aux jeunes, aux hommes, aux femmes…). Kraft, de son côté, prévoit d’installer ces dispositifs dans une chaîne de supermarchés. Même finalité qu’Adidas : proposer des contenus adaptés grâce à l’analyse des traits du visage, par exemple des conseils de cuisine incluant les produits de la marque pour les femmes. Chris Aubrey, vice-président du global retail marketing d’Adidas, a compris tout l’enjeu commercial de cette innovation : « Si un vendeur est capable de suggérer rapidement le bon produit à ses consommateurs, cela entraîne une probabilité d’achat plus importante »
A noter que d’autres fonctionnalités, plus interactives, seront disponibles sur ces écrans : sélectionner une publicité en particulier, afficher un plan du point de vente, parcourir les produits disponibles, ou encore envoyer des bons d’achat vers son smartphone.
A partir de là, on peut aisément spéculer et étendre ces fonctionnalités à d’autres types de publicité comportementale. Vous sortez les mains vides de chez Marionnaud? Qu’à cela ne tienne, une caméra de surveillance présente dans le magasin transmet vos données faciales à un panneau publicitaire proche, qui reconnaît votre visage et affiche les dernières promotions en matière de produits de beauté. Le retargeting à la sauce George Orwell.
J’ignore si ce type de publicité se généralisera. D’une part pour des raisons strictement financières : il est difficile d’estimer si le surplus de ventes généré compensera l’investissement, probablement lourd. D’autre part, pour des raisons purement logiques : la publicité extérieure (affichage, publicité dans les transports et sur le mobilier urbain) est un média de masse. Disponible à la vue de tous, elle me paraît donc peu adaptée, de part sa nature, au marketing one-to-one.
J’évolue dans le marketing, et j’ai la sincère conviction que, bien pratiqué, il peut fournir de réels bénéfices, tant pour la marque que pour ses consommateurs. Je respecte également les ingénieurs ayant mis en place une technologie d’une telle ingéniosité. Mais tout cela me semble quand même assez malsain.
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