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Dimanche, 18 Septembre 2011 07:23

Fin de GYM et stratégie Internet de Microsoft

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Il y a une quinzaine d’années, vers la moitié des années 90, Microsoft était le numéro 1 de l’informatique, la pénétration mondiale de l’Internet commençait sérieusement, Yahoo! en était aux premiers balbutiements et Google encore dans les limbes. À cette époque, Redmond loupa complètement le virage de l’Internet, en dépit des annonces : « Find out how to get the most out of Windows 95’s exciting new Internet tools » (du genre : découvrez comment tirer le meilleur parti des nouveaux fabuleux outils Internet que Windows 95 met à votre disposition). Y a de quoi rêver…

Fin de GYM et stratégie Internet de Microsoft

C’est pourtant cette époque qui a jeté les bases de la naissance du triptyque Google – Yahoo! – Microsoft (GYM pour les intimes), qui aura été le principal pilier de la démocratisation d’un Internet grand public, et dont il est clair que les deux maillons faibles, Yahoo! et Microsoft, ont toujours eu besoin l’un de l’autre pour ne pas disparaître devant la domination de Google.

J’annonce d’ailleurs depuis longtemps la fin de GYM, mais il faut reconnaître que la bête résiste, maintenue en état de survie artificielle par la longue agonie de Yahoo!, essentiellement due, depuis toujours, à l’absence cruelle de leadership d’un côté, et au manque absolu de mission et de vision de l’autre. De plus, ni Yahoo! ni Microsoft n’ont jamais vraiment eu le cool factor!

Or maintenant que revient d’actualité le rachat de Yahoo! par Microsoft (ou par quelqu’un d’autre), après la saga infinie de 2008 (que j’ai tenté d’expliquer en détail dans plus d’une cinquantaine de billets), il est évident que nous allons vite assister à un repositionnement des acteurs majeurs du Web outre-Atlantique, et pas seulement, dont le Top 5 réunit actuellement Google, Yahoo!, Microsoft, Facebook et AOL.

Et si une fusion Yahoo!-AOL ne représenterait guère plus qu’une belle collection de voyelles sans aucune utilité, il n’en va pas de même pour Facebook et Microsoft, qui restent les deux seuls compétiteurs capables de se mesurer à Google sur Internet (ou Apple, un jour peut-être…).

Follow the money

Le nerf de la guerre a toujours été l’argent, et sur le Web il n’y a pas photo : c’est Google qui rafle la mise, chose que Steve Ballmer reconnaissait explicitement dès 2007 :

Microsoft a le plus de visiteurs, c’est sur Yahoo que les internautes passent le plus de temps, et c’est Google qui gagne le plus d’argent (Microsoft has the most visitors. Yahoo actually has people spending the most total time with them. And Google makes the most money).

Il disait cela en réponse à la question : « What type of future does MSN have? It’s in third place, and that’s a tough place to be in the search market. », et ajoutait :

Le vrai problème, c’est ce qui se passe côté e-commerce et publicité sur le Net (The real question is what’s going on in the commerce and advertising side)…

En réponse à ce discours et à la stratégie indéniable de Redmond sur le long terme (Above all, I would say one of the things I believe in that has made Microsoft a great company is we take a long-term view), Microsoft annonçait quelques mois plus tard la mise au point du fameux plan 10, 20, 30, 40, à un horizon de 3 à 5 ans :

  1. 10% des pages vues (contre 6% en 2007) ;
  2. 20% du temps passé par l’internaute sur les sites de Microsoft (contre 17% en 2007) ;
  3. 30% des parts de marché dans la recherche (contre moins de 10% en 2007) ;
  4. 40% des parts de marché dans la publicité en ligne (contre 6% en 2007).

Ce que je commentais de la façon suivante :

…si les 2 premiers points ne semblent pas irréalisables, les 2 derniers posent problème. Un gros problème !
Côté publicité, je ne sais pas si l’acquisition d’aQuantive ou le partenariat avec Facebook vont suffire à M$ pour réaliser ses ambitions, à savoir encaisser 40 cents sur chaque dollar de pub dépensé en ligne, mais à la lumière de certaines analyses, c’est pas gagné d’avance…
Quant aux 30% des parts dans la recherche sur Internet, en l’état actuel des choses, ça paraît franchement hors de portée pour Microsoft. À moins de racheter Yahoo!

Or quatre ans plus tard, Microsoft a réussi à moitié son pari, puisqu’ils sont désormais à 30% des parts de marché dans la recherche, selon les temps planifiés, tandis qu’ils tâtonnent encore pour réaliser le quatrième objectif et restent loin – très loin – de générer 40 cents sur chaque dollar de pub dépensé en ligne, d’où les dernières grandes manœuvres en cours

En août 2011, selon comScore, Google a réalisé 64,4% des parts de marché dans la recherche, contre 31,8% de parts cumulées pour Microsoft et Yahoo! Les autres, y compris AOL, se partageant les miettes. Ceci dit, ces chiffres ne font référence qu’aux États-Unis, puisqu’au niveau mondial, la domination de Google est encore plus écrasante, avec une moyenne globale supérieure à 90% des parts de marché

Mais restons concentrés sur les US, et plus spécifiquement sur le quatrième objectif de Microsoft, à savoir encaisser 40% des revenus publicitaires dépensés par les annonceurs sur le Web. Deux graphiques suffiront pour cerner la situation :

1. Le premier détaille une décennie de dépenses publicitaires en ligne aux États-Unis :

Fin de GYM et stratégie Internet de Microsoft

2. Le deuxième nous donne les revenus réalisés par les 5 plus grosses régies publicitaires d’Internet sur 2009 et 2010, ainsi que les prévisions sur 2011 et 2012, à savoir Google, Yahoo!, Facebook, Microsoft et AOL.

Fin de GYM et stratégie Internet de Microsoft

Donc si l’on part de 2008, à l’époque la situation aux US était la suivante : 91% des revenus publicitaires en ligne provenaient des 50 plus gros sites Web, dont

  • 70% des 10 plus gros sites
  • 12% des 15 suivants
  • 9% des 25 derniers

Sur les 70% ci-dessus, le Top 4 (Facebook n’était pas encore pris en compte) réalisait 57,5% du total annuel, et 6 autres sites les 12,5% restants.

À partir de 2009, Facebook arrive dans le Top 5, qui génère 63% du total annuel en 2009, 65,5% en 2010, et, selon les prévisions, 67,7% en 2011 et 72% en 2012.

Mais si l’on ventile ce Top 5 entre Google d’une part, et Yahoo! + Facebook + Microsoft + AOL de l’autre, nous obtenons les résultats suivants :

  • Parts du marché publicitaire du Top 5 en 2009 : 63%, dont 34,8% pour Google et 28,2% pour le cumul des 4 autres
  • Parts du marché publicitaire du Top 5 en 2010 : 65,5%, dont 38,5% pour Google et 27% pour le cumul des 4 autres
  • Parts prévisionnelles du marché publicitaire du Top 5 en 2011 : 67,7%, dont 40,8% pour Google et 26,9% pour le cumul des 4 autres
  • Parts prévisionnelles du marché publicitaire du Top 5 en 2012 : 72%, dont 44,9% pour Google et 27,1% pour le cumul des 4 autres

Conclusion

En dépit de l’obstination de Redmond pour tenter de récupérer par tous les moyens le terrain perdu (rappelez-vous Netscape…), c’est Google seul qui devrait réaliser dès cette année 40% des parts de marché dans la pub, alors qu’au mieux (et en forçant les choses avec un cumul Microsoft + Facebook + Yahoo! + AOL), non seulement Microsoft stagne autour de 27%, mais régresse même en prévision.

Vous allez me dire qu’il y en a beaucoup qui aimeraient stagner ou régresser à ce niveau-là, mais je me contente d’analyser le plan 10, 20, 30, 40 dont le quatrième point était sans aucun doute le plus important pour Steve Ballmer : celui de générer davantage de revenus en atteignant 40% des parts de marché dans la pub en ligne. Or, ironie du sort, Google progresse constamment et réalisera cette année l’objectif de Microsoft, qui devra se contenter – si tout va bien et à un horizon indéfini – d’atteindre 30% dans le meilleur des cas, malgré une concentration toujours plus forte des parts de marché aux mains du Top 5.

Donc, de ce point de vue, Microsoft a échoué.

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