Cet article fait partie de la série « Technomades » qui dresse le portraits de blogueurs sans frontières qui parcourent le monde et parviennent à concilier leur passion du voyage avec une activité professionnelle, montrant qu’il est possible de l’exercer de n’importe-où grâce à internet.
A 30 ans, Saad a franchi le pas. Il a quitté Paris pour tenter l’aventure de l’indépendance géographique grâce à Internet.
Vous pouvez le suivre sur son blog.
Bonjour Saad, pourrais-tu te présenter ?
Salut Fabrice ! J’ai 30 ans, j’ai grandi en banlieue parisienne, j’ai eu la chance de terminer mes études par un séjour de 6 mois au Brésil. A mon retour j’ai d’abord bossé en tant que salarié pendant un peu plus d’un an avant de créer ma société pour me mettre à mon compte. J’ai bossé environ 3 ans en freelance en tant que prestataire informatique et un jour je me suis réveillé avec l’envie de découvrir le monde et c’est exactement ce que je suis en train de faire depuis juillet 2011 !
Durant mon voyage je continue tout de même à me former sur des nouvelles technologies, à faire de la veille, à bouquiner … bref tout ce que j’aurai fait normalement entre deux missions sauf que désormais j’ai changé de décors en m’installant depuis peu à Rio de Janeiro (et niveau changement de décor ce n’est pas mal du tout!).
Tu es donc développeur, en quoi se résume ton activité plus exactement ?
Dès la fin de mes études je me suis orienté vers le développement logiciel et plus précisément autour des technologies JAVA. J’ai commencé par bosser dans le tourisme avant de travailler dans la finance de marché. C’est aussi l’avantage de l’informatique : un même langage de développement permet de travailler dans divers métiers et pays !
Jusqu’ici je répondais aux besoins de mes clients. En prenant la décision de voyager j’ai choisi de m’accorder du temps pour moi : découvrir le monde tout en apprenant des choses qui me font envie. En ce moment les applications mobiles m’amusent alors je bidouille un peu dessus, demain ce sera surement autre chose. Je ne suis pas parti avec l’espoir (et la pression) de créer quelque chose de révolutionnaire, mais plutôt la conviction que je peux allier travail et plaisir.
Evidemment pour le moment cela représente un manque à gagner financier (je gagnerai plus d’argent à bosser sur Paris), mais je vois plutôt cette période comme du temps investi sur mon bien-être et mon développement personnel.
Comment en es-tu venu à prendre la décision de quitter la France et de devenir un digital nomade ?
C’est quelque chose qui me trottait dans la tête depuis pas mal de temps mais je trouvais toujours une excuse pour ne pas le faire. Je me rappelle par exemple qu’il y a deux ans j’avais le choix entre un VIE aux Seychelles et un contrat freelance dans la finance de marché. Choix cornélien : l’argent ou le voyage ? La plage ou Paris ? J’avais fini par choisir Paris !
C’est un choix que je ne regrette pas du tout, mais au bout d’un moment l’envie de voyager est revenue et je ne voulais pas avoir de regrets donc j’ai décidé de mettre un terme à mon contrat avec mon dernier client, pris mon billet d’avion et je suis parti. Dans l’avion je me demandais tout de même si je n’étais pas en train de faire une connerie (ceux qui sont déjà partis savent de quelle sensation je parle) mais finalement je suis très content d’être là où je suis !
Les envies profondes reviennent toujours à un moment ou un autre…On parle beaucoup des bons côtés de ce mode de vie. Or, comme toute chose dans la vie, il y a aussi des mauvais côtés, quels sont-ils pour toi ?
Le doute et l’incertitude sont à prendre en compte quand on se lance là-dedans. Le but du jeu c’est aussi de connaître ses limites, savoir dans quelle mesure on arrive à se débrouiller avec peu. Certains diront qu’on s’amuse à se faire peur, il y a surement un peu de cela aussi.
Le chemin le plus simple pour moi par exemple serait de revenir à Paris et rechercher une mission dans une société du CAC40, mais le plus simple est-il le mieux ? Je n’en suis pas toujours convaincu. Ce n’est pas toujours évident de se détacher de ses anciennes habitudes et d’apprendre à avoir de nouveaux repères.
Sinon il y a toujours les petits tracas du quotidien dans un pays étranger, mais rien de bien méchant : la connexion internet pas toujours stable, la barrière de la langue, les caissiers qui « oublient » de vous rendre la monnaie exacte, etc … Bref la somme de petites choses qui font que parfois les choses peuvent sembler compliquées.
Cela dit, les bons côtés finissent toujours par prendre le dessus, et heureusement !
Comment gères-tu tes relations avec les clients ?
Pour l’instant je n’ai plus de client. Cette nouvelle vie est encore récente ( 3 mois seulement) et pour le moment je consacre mon temps à mon auto-formation sur divers sujets. Je viens de terminer la lecture de The Tipping Point de Malcom Gladwell (j’ai bien aimé) et j’ai encore d’autres bouquins qui m’attendent. En parallèle j’étudie les applications mobiles, bref j’ai de quoi bien m’occuper en ce moment !
Travailler en voyageant impose de trouver le juste milieu entre le boulot et la découverte du pays dans lequel on se trouve. Si je travaille trop je risque de ne pas prendre suffisamment le temps de découvrir les richesses de Rio de Janeiro. Inversement si je me balade trop je risque de stagner (voire régresser !) professionnellement. C’est une gestion du temps qui est différente de la journée de boulot classique.
Ce n’est pas moi qui va dire le contraire ! Difficile en effet de jongler avec les deux ! Es-tu en relation avec beaucoup de techno nomades ?
Je dois avouer que je ne connaissais pas le terme de digital nomade (ou technomade) avant d’avoir mis les pieds à Rio de Janeiro ! C’est en parcourant le web que je me suis rendu compte que beaucoup de personnes avaient choisi ce mode de vie. Cela m’a d’ailleurs un peu rassuré de voir que d’autres ont les mêmes envies de découverte du monde.
D’une certaine façon ça ne m’étonne pas que ce mode de vie se développe, l’essor des nouvelles technologies y est pour beaucoup. Internet a d’une certaine façon redessinée les frontières et réduit les distances.
Je me rappelle qu’à l’époque de mes parents qui venaient de quitter le pays (le Pakistan) cela représentait réellement un changement de vie, et l’éloignement d’avec la famille se faisait réellement sentir. Téléphoner coutait très cher et il fallait laisser passer plusieurs jours (voire semaines) avant d’avoir des nouvelles des proches. Aujourd’hui avec Skype j’arrive à discuter presque tous les jours avec mes proches partout dans le monde.
Idem pour les lettres : avant mes parents devaient développer les photos puis les poster par courrier pour que, plusieurs jours après, les grands-parents puissent avoir la joie de voir la tête de leurs petits-enfants de Paris. Aujourd’hui je peux prendre une photo sur la plage d’Ipanema et l’envoyer à mes proches qui la verront instantanément !
Cela est valable d’un point de vue professionnel aussi où, grâce à la dématérialisation, on peut avoir accès à tous ses outils de travail grâce à un ordinateur connecté à internet. On vit vraiment une époque qui facilite la mobilité des personnes, ce serait dommage de ne pas en profiter.
D’où viennent tes revenus ?
Pour le moment mes principaux revenus sont liés à l’immobilier et qui me permettent de tenir lors de mes déplacements.
Cette indépendance financière que j’ai pu me construire durant ces dernières années grâce à l’immobilier a été un élément important dans ma décision de partir. J’ai réalisé que ces revenus qui représentent un complément de salaire en France peuvent être suffisants pour vivre dans certains pays. J’ai bien conscience de la chance que cela représente et, avec tout de même quelques sous de côté au cas où, j’ai décidé de profiter de cela tant que tous les feux sont verts (et je croise les doigts pour que ça dure!)
A part cela j’ai quelques sites annexes :
- https://www.boutiqueduconsultant.fr : une boutique en ligne pour les consultants, les geeks et ceux qui sont les deux en même temps
- https://www.thebestkeptcafe.com (lancé avec des amis) : un bar café original où on parle musique avec un coin boutique en ligne.
Ces sites me rapportent quelques sous, mais ils me servent surtout (en plus de m’amuser) de laboratoire pour tester des idées sur des cas concrets.
Es-tu proche de la philosophie minimaliste comme beaucoup de techno nomades ?
Complètement ! Financièrement j’apprends à me débrouiller avec mon budget limité. D’une manière générale, je n’ai jamais été très bling-bling, il faut croire que ça m’a donné de bons réflexes. On est réellement dans une ère d’abondance où tout est disponible à l’excès pour les plus aisés (la nourriture, les vêtements, l’information …). Ici j’essaye de limiter mes dépenses, je me contente de choses plus simples, et c’est peut-être bête à dire mais j’avais presque oublié qu’on apprécie plus les discussions quand on n’a pas l’œil scotché sur son téléphone !
D’un point de vue personnel cela développe le sens de la débrouille. A l’étranger même votre vocabulaire est limité donc il faut apprendre à se faire comprendre avec peu de mots. Idem dans la relation avec les autres : le fait d’arriver dans un endroit où on connait peu de personnes vous oblige à aller vers les autres. Et pour ceux qui en doutaient c’est un bon moyen de se rendre compte que la plupart des personnes sont vraiment très cool !
Tu vis donc à Rio. Quelles sont les bons côtés et les moins bon côtés d’habiter ce pays ?
Le Brésil bénéficie actuellement d’un boom économique (la prochaine Coupe du Monde 2014 et les JO2016, les réserves de pétrole découvertes récemment y participent notamment), c’est d’ailleurs une des raisons qui m’a poussé à revenir à Rio de Janeiro plusieurs années après. Je voulais constater cette croissance et je ne suis pas déçu. L’impression de voir un géant en mouvement est réelle et certains signent le démontrent : les prix de l’immobilier (qui a dit bulle?), l’arrivée des grandes marques, la démocratisation du high-tech … L’avantage est que le besoin de main-d’œuvre se fait sentir, que ce soit dans l’industrie du pétrole, du bâtiment et même des nouvelles technologies, il y a donc des opportunités à saisir !
Rio de Janeiro est une grande ville, et comme toutes les grandes villes du monde elle a ses avantages et ses inconvénients. Les favelas (les bidonvilles) ne sont pas un mythe, les quartiers pauvres côtoient les quartiers riches et ce contraste est surprenant. Est-ce que Rio de Janeiro est une ville dangereuse ? Oui et non, pas plus que Paris ou New York à mon avis. Pour ma part je n’y ai jamais eu de problèmes.
Si vous hésitez encore à venir à Rio de Janeiro rappelez-vous que si on l’appelle la Ville Merveille (Cidade Maravilhosa) ce n’est pas pour rien, ca vaut le coup de la connaître ! Les bons côtés ? Vous les connaissez tous : les cariocas et leur sens de la fête, la plage et le soleil, la musique j’en passe et des meilleurs !
Personnellement, je suis déjà convaincu ! Où es-tu déclaré fiscalement ? Quel statut as-tu ?
J’ai une EURL à l’IS que je gère à distance avec l’aide de mon comptable à Paris. Fiscalement je paye toujours mes impôts en France aussi bien personnellement que professionnellement.
Pour ce qui est de l’immobilier, je suis aidé par ma famille qui s’occupe de la gérance et que je ne remercierai jamais assez !
Comment vois-tu l’avenir pour toi ?
J’ai du mal à me projeter, à faire des plans, pour le moment j’avance surtout au gré des envies. Avant de partir je me suis fixé la durée d’un an. Pendant un an je compte vivre cette vie avec une philosophie assez simple : ne faire que ce qui me plait et qui m’amuse. Si quelque chose représente une contrainte trop grande alors je préfère ne pas le faire. Ce que je ferai d’ici 3 mois, 6 mois ou 1 an ? En France ou ailleurs ? Je n’en ai aucune idée ! Pour le moment je vis à mon rythme et je compte bien profiter de cette expérience à 100% car le temps passe très vite !
J’évite donc de trop me projeter, je me laisse surprendre par la vie en espérant que seules de bonnes choses m’arriveront !
Un dernier mot ?
Si je travaille, que je voyage et le reste, c’est parce que je veux me donner les moyens de toucher mes rêves. Je crèverai de me réveiller un matin, de me retourner et de me dire : « Mais qu’est-ce que j’ai fait de ma vie ? »(1)
L’avenir me dira si j’ai été bien inspiré en faisant ce que je fais. Que ce soit une réussite ou un échec peu importe, je l’aurai fait et dans tous les cas je prendrai le temps d’en tirer les leçons. En attendant, je savoure !
(1) inspiré de ce morceau https://www.abcdrduson.com/lyrics/lyrics.php?id=281
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