Wednesday 20 November 2024
Font Size
   
Tuesday, 12 October 2010 06:43

Sarkozy, bon catholique en lutte contre l'immoralité d'Internet

Rate this item
(0 votes)

Nicolas Sarkozy a appelé, vendredi 8 octobre, à "réguler Internet pour en corriger les excès et les

dérives", évoquant une "loi de la jungle". Une déclaration qui s'inscrit dans la suite logique de sa politique sécuritaire vis-à-vis du web.

En déplacement au Vatican, le chef de l'Etat a déclaré : "Réguler internet pour en corriger les excès et les dérives qui naissent de l'absence totale de règles, c'est un impératif moral ! [...] Il n'y a pas de liberté sans règles. La loi de la jungle, la loi du plus fort, du plus malin, du plus cynique, c'est le contraire de la liberté, de l'égalité, de la fraternité, c'est le contraire de la civilisation."

En janvier, Nicolas Sarkozy parlait déjà de "déployer une stratégie globale" afin de "dépolluer les réseaux" en "expérimentant sans délai les dispositifs de filtrage".

Des déclarations dans la suite logique d'une politique sécuritaire à l'égard du web qui vise à "limiter cette incroyable liberté que Nicolas Sarkozy est incapable d'accepter", note l'opposition.

 

"Sarkozy n'a rien compris à ce qu'est Internet"

"Ces propos sont l'illustration parfaite que Nicolas Sarkozy n'a rien compris à ce qu'est Internet", tranche le socialiste Patrick Bloche. Le député de Paris explique à Nouvelobs.com que, face au Pape, le chef de l'Etat s'est présenté "en bon catholique qui lutte contre l'immoralité". "Sarkozy diabolise tellement Internet que sa visite au Pape s'apparente à une vraie séance d'exorcisme", lance-t-il.

"Plus que 'les dérives' ou 'les excès', ce qui gène le plus Nicolas Sarkozy, c'est qu'Internet est devenu un formidable contre-pouvoir", avance de son côté Jean-Claude Vitran, responsable du groupe de travail Libertés et Technologies de l’Information et de la Communication à la Ligue des Droits de l’Homme (LDH).

"Réguler, c'est mettre des barrières à la liberté d'expression", estime-t-il. Si un contrôle du net était mis en place, le gouvernement pourrait contrôler un site comme Mediapart qui révèle l'affaire Woerth-Bettencourt. Mettre cette affaire sur la place publique, je n'appelle pas ça une 'dérive' mais une victoire pour la démocratie", note Jean-Claude Vitran.

 

"Internet est l'un des rares médias que Sarkozy ne peut pas contrôler"

"Après avoir nommé les directeurs de Radio France et France Télévision, supprimé la publicité, organisé le rachat du Parisien par Dassault, Nicolas Sarkozy cède à la tentation de vouloir maîtriser Internet", analyse Patrick Bloche.

Même analyse à la Ligue Odebi : "Internet est l'un des rares médias que Sarkozy ne peut pas contrôler, et cela l'effraye. Nous allons vers un Internet contrôlé avec la mise en place de moyens techniques de contrôle avec les lois Hadopi et Loppsi", explique Aurélien Boch, membre de l'équipe dirigeante de la Ligue.

"Bientôt, nous serons face à une instauration du DPI [Deep packet inspection, NDLR] avec un filtrage qui permettra de traiter les informations circulant sur le réseau de manière différenciée. Face à un risque de dérives autoritaires, le web doit rester un espace où tout le monde peut s'exprimer librement sans limitation", appelle-t-il.

 

"Le président confond régulation et répression"

"Internet vous pose-t-il réellement des problèmes ?", interpelle Jean-Claude Vitran. "Pourquoi devrait-on légiférer sur quelque chose qui ne pose à priori pas de problème", s'interroge le responsable de la LDH.

Pour Patrick Bloche, Nicolas Sarkozy véhicule les idées reçues d'un Internet qui concentre tous les méfaits du monde et doit être "régulé", alors qu'il s'agit en fait d'un espace déjà "très régulé". "L'Assemblée nationale légifère sans cesse vis-à-vis du web, le plus souvent en transposant des directives européennes ou en adaptant les règles de droit commun", note le député. "Le président confond régulation et répression", poursuit Patrick Bloche, "il souhaite instaurer un cadre juridique contraignant qui limite cette incroyable liberté qu'il est incapable d'accepter".

"Une mutation de l'Internet se prépare", pronostique Aurélien Boch. "Si un jour le réseau devient contrôlé à l'image de la Chine, un nouveau réseau libre émergerait : le Freenet", évoque le membre de la Ligue Odebi. Un réseau anonyme et décentralisé dans lequel un certain Google vient d'investir 18.000 dollars...

 

(Boris Manenti – Nouvelobs.com)

Authors: Nouvel Obs

pour en savoir plus...

French (Fr)English (United Kingdom)

Parmi nos clients

mobileporn