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Wednesday, 14 December 2011 14:51

Made in France, oui monsieur

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Je suis un mauvais citoyen. Je n’achète pas français. Mon téléphone mobile californien est fabriqué en Chine, mon PC est américain, mes appareils-photo sont japonais, mon fournisseur de musique – que j’écoute avec un casque audio néerlandais ou finlandais – est suédois, je visite principalement des sites web écrits en anglais, je tweete en globish et je conduis une voiture allemande. Un mauvais citoyen. Tous les geeks sont de mauvais citoyens.

Made in France, oui monsieur

En plus de cela je suis démodé. Parce-que, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, la mode actuellement est au made in France, par l’impulsion de quelques politiciens – pardon, hommes politiques – dont certains sont probablement sincères et d’autres, disons, plus opportunistes dans l’adoption de ce nouveau credo républicain.

La tendance est donc au sursaut patriotique, un truc qui paraissait encore ringard il y a peu ou au mieux réservé à une poignée d’irréductibles communistes ou souverainistes.

Pourquoi je vous parle de cela, comme ça d’un coup sans prévenir entre le café et le goûter ?

Parce-qu’il est un domaine, que vous connaissez bien, où les frenchies font de belles choses. Ce domaine c’est le web, qui a créé quelque 700.000 emplois en France depuis 1995, ce qui correspond environ à 25% des emplois créés en 15 ans. Et je trouve parfois que les grands médias, et ce qu’on appelle l’opinion publique, ont un peu tendance à l’oublier, puisque hormis quelques anecdotes relatives à Facebook ou Twitter reléguées généralement en dernière page des actualités, on parle finalement assez peu de l’économie numérique dans ce pays.

L’autre pays des startups

Pourtant, des évènements comme Le Web’11 sont là pour nous le rappeler : l’écosystème des startups en France ne s’est probablement jamais aussi bien porté, en tout cas en termes de création et d’inventivité. Ne parlons pas des poids lourds du secteur, dont on oublierait presque qu’ils sont français (ou d’origine française), comme l’inoxydable Netvibes, mais également Dailymotion, Viadeo, Deezer ou encore Wikio-eBuzzing pour ne citer que les plus connus. Et, si les fonds d’investissement sont bien moins nombreux qu’aux USA ou en Israël, ils continuent à irriguer régulièrement la croissance des jeunes pousses. Si un Jérémie Berrebi a fait le choix personnel de s’installer non loin de Tel Aviv, il n’en demeure pas moins que le fonds qu’il gère, Kima Ventures, pour ne citer que lui, investit fréquemment dans des boîtes françaises. Cocori&co.

Alors bien sûr tout n’est pas aussi idyllique au pays du camembert : nombreux sont les entrepreneurs qui s’exilent encore pour fonder leur startup, ne résistant pas à l’appel de la Terre Promise, j’ai nommé la Californie, San Francisco et la Silicon Valley, où l’herbe est parait-il bien plus verte. Ce qui en langage startup signifie : « je monte une boîte bien plus facilement en complétant seulement un formulaire par internet, je trouve des investisseurs en levant le petit doigt, je paie moins de charges et accessoirement je suis là où ça se passe (et avec un peu de chance je peux même prendre un Starbucks à côté de Mark Z. ou faire un footing avec Loic L.M.) ». Revers de la médaille, selon un entrepreneur croisé dernièrement au Web’11, et qui s’est récemment installé à San Francisco pour développer sa boîte : les salaires des ingénieurs et développeurs dans La Silicon Valley « deviennent délirants ». D’autres restent en France mais délocalisent également la plupart des fonctions opérationnelles et notamment le développement et le code en Inde, au Maroc ou en Roumanie. Question d’économies évidemment : quand on a un business model encore un peu bancal autant diviser par dix le prix de la ligne de PHP.

Bien dans ses chaussettes

Et puis il y a ceux qui font de la résistance. Les gaulois qui dès le départ ont mis un point d’honneur à travailler en France avec des français et à produire made in France. C’est effectivement une tendance qui me parait significative et qui se répand dans les esprits éclairés. C’est le cas par exemple d’Archiduchesse, qui a en quelque sorte montré la voie en s’obstinant malgré quelques difficultés à bosser avec un fournisseur limougeaud, ce qui apparemment cela ne leur réussit pas trop mal, autant en termes d’image qu’en termes de chiffre d’affaire (le « chiffre d’affaire » est un concept de la vieille économie, renseignez-vous). Bien sûr l’ami Patrice Cassard, le fondateur et boss d’Archiduchesse, bénéficie d’une côte de popularité hors du commun et même peut-être unique dans le web français, et peut s’appuyer sur une communauté à la fidélité indéfectible pour faire prendre la mayonnaise. il n’est pas certain que le seul argument du made in France suffirait à la réussite d’un projet web de e-commerce, mais c’est un signal et un symbole importants, et il suffit de voir les commentaires sur le sujet, y compris sur Facebook, pour s’en convaincre.

Il faudrait peut-être que les hommes politiques, et le Chef en tête, se penchent un peu plus sur les succès tricolores du web pour communiquer sur ce thème qui semble prendre une ampleur inattendue à l’approche des élections. C’est bien de visiter Google et Rossignol, et de délivrer quelques satisfécits devant un parterre de happy few conquis à la cause. Ce serait encore mieux de rendre hommage aux micro-entreprises du web qui foisonnent dans ce pays, et de braquer de temps en temps les projecteurs sur les laborieux et les sans-grade. Ceux dont les simples blogueurs comme moi peuvent témoigner de la vitalité, ne serait-ce que par le nombre de sollicitations que nous recevons chaque jour.

De notre côté, même si nous sommes de mauvais citoyens, nous essayons de prendre notre part en aidant comme nous le pouvons les startups à obtenir un peu plus de visibilité. Ce qui concrètement se traduit sur Presse-citron par une rubrique hebdomadaire maintenant bien installée : La startup de la semaine, animée par Valentin Pringuay, mais également par des articles réguliers de Louis Carle, la rubrique BizSpark, la French Week, et bien sûr tout le reste, réuni sous la bannière (tag) Made in France. Bref, on n’a pas attendu Bayrou.

Vous aurez évidemment compris que le propos de cet article n’est pas de lancer un débat sur le bien-fondé ou pas du patriotisme économique (qui peut parfois selon le point de vue de certains flirter avec une certaine forme de nationalisme pas très ragoûtant) ou les vertus du protectionnisme, ni  de juger si la « qualité France » est une réalité ou une chimère (pour certains produits comme les voitures par exemple, ce n’est pas si sûr), mais de placer le sujet au sein d’un contexte qui nous est cher : le web et l’économie numérique.

Et pour conclure, quelques autres bonnes adresses pour suivre l’actualité du web français :

J’en oublie certainement, merci de compléter en commentaire et j’ajouterai à la liste. Pour tenter de devenir un bon citoyen. Rompez.

(photo : Archiduchesse)

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