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Monday, 09 May 2011 18:47

Jacques Santer «Le Luxembourg ne peut pas se passer de l'UE»

L'essentiel: Ce lundi 9 mai marque le 61e anniversaire de l'Europe. Un anniversaire célébré cependant dans un contexte de montée de l'euroscepticisme. Comment expliquez-vous ce phénomène?

Jacques Santer: Les gens ont perdu de vue ce que signifie l'Europe et ne se rendent plus compte de tout ce qui a été accompli grâce à elle. De mon temps, c'était toute une histoire pour pouvoir s'inscrire dans une université française par exemple et nous devions nous rendre tous les mois au commissariat. Désormais, grâce à la libre circulation des individus, tout cela est de l'histoire ancienne. Tout cela fait tellement partie de notre quotidien que beaucoup ont oublié tous les efforts effectués et toutes les difficultés surmontées pour y parvenir.

Quelles sont les principales critiques que vous feriez à l'Europe actuelle?

Il faut avant tout revoir l'esprit européen, celui qui a été au cœur de l'action des fondateurs. À l'heure actuelle, nous n'avons plus de leaders européens charismatiques qui font valoir ces valeurs. Seul Jean-Claude Juncker incarne cette vision des choses, mais il est l'un des seuls. Des chefs d'État comme Helmut Kohl ou François Mitterrand manquent cruellement.

Donc vous comprenez que certains puissent vouloir prendre de la distance par rapport à cette Europe?

Pas du tout. L'idée de certains de sortir de l'euro par exemple n'a aucun sens pour moi. Je ne peux pas m'imaginer une seule seconde revenir au franc belgo-luxembourgeois avec toutes les difficultés que cela signifie. Alors qu'avec l'euro nous avons une inflation de l'ordre de 3%, nous avions une inflation qui atteignait 12 à 13%. Sortir de l'euro signifierait donc un appauvrissement pur et simple de la population luxembourgeoise.

Quelles seraient alors les solutions pour revenir à l'esprit initial des fondateurs?

Vu que le Luxembourg ne peut pas se passer de l'Europe, chacun a son rôle à jouer. Les gouvernements bien sûr, mais également les forces vives de la nation. Je suis étonné du détournement notamment des syndicats, qui étaient l'un des moteurs de cet esprit européen. Mais c'est aussi aux jeunes générations de s'engager pour tenter de faire bouger les choses. Le Luxembourg étant au centre de l'Europe, il faut travailler pour que l'esprit de solidarité entre les nations reprenne de l'ampleur. Et ce même si l'individualisme dans notre société a tendance à prendre le dessus.

Vous disiez que le Grand-Duché ne pouvait pas se passer de l'UE, pourquoi?

Parce qu'il n'y a pas d'autres alternatives. Et parce que les réalisations du passé se voient tous les jours, aussi bien avec le grand marché unique qu'avec le développement des grandes régions parmi les États membres. Chez nous, nous le voyons de façon admirable avec les milliers de frontaliers qui viennent tous les jours dans notre pays. Enfin, il ne faut pas oublier de dire que l'UE a permis au Luxembourg de se trouver dans la plus grande période de paix de son histoire. Ça paraît évident pour beaucoup, mais pour des gens de ma génération, cela a un sens.

Propos recueillis par Jean-Michel Hennebert/L'essentiel Online

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