Wednesday, 12 October 2011 18:00
Quand la police allemande joue aux pirates
Le gouvernement allemand est au centre d’une polémique après la découverte de l'utilisation par les autorités d’un logiciel espion, permettant de surveiller les moindres faits et gestes des ordinateurs sur lesquels il est installé.
C’est samedi que les hackers allemands du Chaos Computer Club ont révélé l’existence du logiciel "R2D2". De type "Cheval de Troie", ce petit programme invisible pour l’utilisateur permet, une fois installé, de surveiller les conversations via le logiciel Skype, consulter les emails envoyés et reçus, prendre des captures d’écran, enregistrer chaque touche du clavier sur laquelle l’utilisateur a tapé, ou encore activer à distance un microphone ou une webcam pour voir et entendre ce qu’il se dit dans la pièce.
Un logiciel "illégal"
La loi allemande autorise les policiers, après accord d’un juge, à installer des logiciels espions. Mais cette surveillance et censée être limitée à l’écoute des conversations téléphoniques via internet. De plus, la Cour constitutionnelle a fixé des conditions particulièrement strictes limitant leur usage aux infractions les plus graves.
De plus , selon le Chaos Computer Club, ce dispositif "pourrait même être utilisé pour uploader des preuves falsifiées contre le propriétaire du PC, ou pour effacer des fichiers". D’autant plus que "R2D2" peut être "mis à jour" à distance pour lui ajouter des fonctionnalités ou lui assigner de nouvelles taches. "R2D2" dépasse donc largement le cadre légal et suscite, outre-Rhin, une vague de réactions indignées.
Vendu dans plusieurs pays
Ce dispositif aurait été développé en 2009 par la société DigiTask pour le compte de la police régionale du land de Bavière. Il aurait depuis été vendu à un nombre indéterminé de länder. Mardi 11 octobre, la ministre fédérale de la Justice, Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, a implicitement reconnu l’existence de "R2D2" en demandant l’ouverture d’une enquête "S'il est question d'une fouille en ligne, même très ciblée, ce que je considère comme très problématique, alors l'Etat doit utiliser une technique qui exclut absolument (...) ce qu'interdit la Constitution", a affirmé la ministre.
"La technique utilisée doit être autorisée", a-t-elle encore estimé, "ensuite nous devons être absolument sûrs que nous n'entrons pas dans des domaines interdits de la sphère privée".
Lundi le ministère fédéral de l'Intérieur avait déjà promis de faire toute la lumière sur cette affaire. Jusqu’à présent, quatre länder ont reconnu avoir acheté le logiciel à DigiTask. La société, de son côté, affirme avoir vendu des dispositif de surveillance similaire à d’autres pays comme l’Autriche, la Suisse ou encore les Pays-Bas.
Jérôme Hourdeaux - Le Nouvel Observateur
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