Un clandestin ne peut être condamné à de la prison devant un tribunal. C’est en résumé ce qui ressort de cet arrêt prononcé la semaine dernière par la Cour de Justice de l’Union européenne dans une affaire opposant un clandestin à l’Italie. Celui-ci avait été condamné à une peine d’un an d’emprisonnement pour être resté sur le territoire italien, sans motif justifié, en violation d’un ordre d’éloignement. Or, la Cour, dans son arrêt, a indiqué que la directive dite «retour» qui date de 2008 «s’oppose à une réglementation d’un État membre (…) qui prévoit l’infliction d’une peine d’emprisonnement à un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier pour le seul motif que celui-ci demeure, en violation d’un ordre de quitter le territoire de cet État dans un délai déterminé, sur ledit territoire sans motif justifié».
Penser aux femmes et aux enfants avant l'expulsion Tenir compte des spécificités de la situation des femmes migrantes et ne pas placer d'enfants en rétention. À la veille du vote par la Chambre des députés, la Commission consultative des droits de l'homme (CCDH) a présenté mardi son avis sur le projet de loi sur la circulation des personnes et l'immigration. Et, pour la CCDH, le texte ne va pas assez loin dans les mesures alternatives à la rétention. Qui plus est, le Luxembourg est, estime la commission, dans l'illégalité quand la police intervient chez des demandeurs d'asile déboutés. Il faut «réglementer les conditions dans lesquelles les forces de l'ordre peuvent pénétrer au domicile privé des personnes qui font l'objet d'un retour forcé». Autre inquiétude, les femmes et les enfants. Pour la CCDH, placer un enfant ou un mineur en rétention «porte atteinte à sa santé psychique et son développement». Par ailleurs, le sort réservé aux femmes dans certains pays (mariage forcé, excision...) doit pousser le gouvernement à tenir compte de leurs spécificités. Il faudrait qu'elles soient auditionnées seules, pour éviter toutes pressions de l'entourage. Jérôme WissCet arrêt, se félicitent, l’ASTI, la Ligue luxembourgeoise des droits de l’Homme et le Letzebuerger Flüchtlingsrot dans un communiqué commun, devrait contraindre le Luxembourg à changer sa législation en la matière. «La loi italienne (…) est moins grave que celle prévue par la loi luxembourgeoise en la matière», indiquent-ils. La loi luxembourgeoise sur l’immigration du 29 août 2008 indique: «l’étranger qui est entré ou a séjourné sur le territoire luxembourgeois sans satisfaire aux conditions légales ou qui s’y est maintenu au-delà de la durée autorisée ou qui ne se conforme pas aux conditions de son autorisation est puni d’un emprisonnement de huit jours à un an et d’une amende de 251 à 1 250 euros ou d’une de ces peines seulement» (art 140).
Aucune condamnation au Luxembourg
«Avec cet arrêt de la Cour, le Luxembourg va devoir se conformer à la directive et revoir la loi», explique Jean Lichtfous, porte-parole de l‘ASTI, qui indique toutefois qu'une telle condamnation n'a jamais eu lieu au Luxembourg. «Mais la possibilité existe et il faut la supprimer».
Cette directive, le Luxembourg aurait déjà dû transposer avant fin 2010. Ce n’est finalement que jeudi que les députés étudieront cette transposition et le projet de loi qui modifie le texte du 29 août 2008.
La France ne se sent pas concernée
En France, le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) s'est indigné mercredi de l'interprétation «scandaleusement mensongère» de cet européen en matière de droit des étrangers par le ministère de l'Intérieur, en interpellant «solennellement» le garde des Sceaux sur cette affaire. Le SM et plusieurs autres organisations s'étaient félicités vendredi dernier d'un arrêt rendu le 28 avril par la Cour européenne de justice, estimant qu'il signait «la fin de la pénalisation du séjour irrégulier».
Mais le ministère de l'Intérieur a jugé mardi que la France n'était pas concernée par cette décision et continuerait d'incarcérer un étranger en situation irrégulière «en cas de refus» d'éloignement. Il a fait valoir que l'arrêt européen visait «directement une réglementation italienne» et que le dispositif français était «différent» de celui de l'Italie. Selon lui, en Italie, «la peine d'emprisonnement existe pour le simple fait de rester (sur le territoire) en séjour irrégulier», alors qu'«en France, elle ne vise que le refus» d'être reconduit à une frontière (punissable de trois ans d’emprisonnement).
MC/L'essentiel Online avec AFP
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